Quatrième film de Nicholas Ray qui venait de diriger Bogart dans son film précédent, les Ruelles du malheur, le Violent offre sans conteste l'un de ses meilleurs rôles à la star des polars, et même son plus beau rôle psychologique, car c'est un film noir original, mélancolique et romantique malgré son intrigue policière. Il traite de l'aliénation, de l'effort, de l'échec, de la destruction et de l'analyse du comportement d'un scénariste à Hollywood dont les nerfs sont malades. L'amour sincère que se portent les 2 personnages principaux incarnés par Bogart et Gloria Grahame, ne peut modifier quoi que ce soit ; s'ils réussissent à se sortir d'un mauvais pas, c'est temporaire, et ils finissent par retomber dans leur solitude, c'est flagrant dans la dernière scène qui les voit se tourner le dos en les ramenant à leur isolement.
Dixon Steele, le personnage de Bogart, est fondamentalement un romantique déchu qui se trahit par cette réplique admirable : Je suis né quand tu m'as embrassé. Je suis mort quand tu m'as quitté. J'ai vécu quelques semaines quand tu m'as aimé. Autant dire que ce film noir assez méconnu dans la filmo de Bogart, est d'une structure beaucoup plus complexe que ceux des années 40 qui étaient un peu plus linéaires. Nick Ray imprime une vision noire à son film, donnant à son héros des pulsions destructrices qui court-circuitent son élan sexuel et créateur, il est ballotté entre un passé brillant mais dénué de chaleur affective et un futur incertain, il restera éternellement seul. Il n'y a donc que très peu de suspense, pas de scènes d'action, et une vague tension dans ce film qui peut dérouter l'amateur de films noirs, il ne faut donc pas commencer à découvrir ce genre en voyant ce film, tout y est freudien ou presque, mais c'est un film intéressant à (re)découvrir, car il parle en plus de Hollywood et donne un éclairage inhabituel au film noir traditionnel.