Très jolie surprise que ce petit film
J'ai eu quand même un peu de mal à l'apprécier tout de suite après mon visionnage, la faute à beaucoup de lourdeurs et de lenteurs qui viennent gêner la progression du récit...
Au niveau des dialogues notamment, qui sont par moment assez insupportables tant ça manque de finesse ; je pense en particulier à tous ces interminables passages où le docteur répète à Nakadai « Oui mais le masque prend possession de vous, oui mais vous n'êtes plus le même... », histoire de bien faire comprendre au spectateur qu'en changeant d'apparence et d'identité, c'est aussi la personne qui est altérée... Ce qui tombe plutôt sous le sens, et est dommage parce que de ce point de vue-là le film enfonce des portes ouvertes – ce qui me dérange toutefois pas plus que ça à mon sens le ciné a pas vocation à faire de la philo et les films à être des dissertations...
D'ailleurs je range ce film dans la catégorie des films à dissert, vous savez ce genre de films qui serviraient parfaitement d'exemple dans une sous partie de devoir de philo au bac, il faudra que je crée une liste pour les référencer, ça m'aurait bien servi – enfin je m'égare.
Outre ces lourdeurs je trouve le film assez mal rythmé, certaines parties durent très longtemps pour finalement faire du surplace, il aurait gagné à perdre facilement 10-15 minutes à mon humble avis (encore une fois les passages au début avec le docteur, ou au début quand Nakadai passe son temps à chouiner « Je suis un monstre »).
Et quelques effets de mises en scène m'ont vraiment déstabilisé, ressemblant d'ailleurs plutôt à des erreurs qu'à des vrais choix, quelques cuts brutaux et presque dans l'axe sans raison en plein milieu d'un dialogue par exemple...
Voilà pour les reproches, mais outre ces petits problèmes qui gênent le visionnage, force est de reconnaître au film de bien plus nombreuses qualités ; en premier lieu évidemment la photo, un noir et blanc vraiment sublime qui nous plonge tout de suite dans une ambiance contemplative et étrange, bien que peut-être un poil trop maniérée à mon goût.
Et si, thématiquement, comme je le dis, le film ne propose pas une réflexion très neuve, l'idée de se réapproprier ces questionnements sur la perte d'identité pour les transposer au Japon post-Seconde guerre mondiale est géniale ; parce qu'évidemment, cette défiguration du protagoniste, c'est celle du territoire japonais après les bombes de Hiroshima et Nagasaki (ce qu'explicite encore davantage les très beaux segments sur la fille marquée par les radiations), et cette perte d'identité, c'est celle du peuple japonais, coincé entre traditionalisme insulaire et modernisme occidental (le docteur qui commande à la cafet du Coca, le bar avec la chanteuse allemande, la fille obsédée par les yoyo – qui à l'époque connaissent leur pic de popularité aux US, si si, c'est wikipédia qui le dit...).
Et cette fracture culturelle est ici brillamment transposée à l'échelle du couple : la femme (qui évoque d'ailleurs à un moment Les Dits du Genji, chef-d’œuvre essentiel de la littérature japonaise classique) est contrainte d'accepter la transformation de son mari – lequel, aussitôt son nouveau visage enfilé, quitte son hakama pour lui substituer un costume occidental flambant neuf –, ou du moins de prétendre ne pas la voir, pour le bien de leur couple.
Je me sens obligé pour finir de mettre en avant la beauté de leur amour, contenue toute entière dans ce baiser vers la fin du film, un des plus beaux de l'histoire du ciné, car sobre et intense