Le Vol des dragons, téléfilm d’animation diffusé en 1982 aux USA et en 1983 en France s’inscrit dans le courant du genre d’héroïc-fantasy très populaire au cinéma au début des années 1980. Une vague regroupant Conan le barbare, Dark Cristal, Willow, Legend, Taram et le chaudron magique ou des films plus méconnus comme Le dragon du lac de feu, Tygra, la glace et le feu, voire franchement nanardesques tel Les barbarians ou Dar l’invincible. On attribue souvent la paternité de ce genre au développement de la culture geek qui commence à s’affirmer avec l’avènement de la saga Star Wars, qui mettra fin au western démodé pour brandir la science-fiction et la fantasy. Parallèlement, le jeu de rôle se développe et se popularise avec le plus connu d’entre eux : Donjon et dragon.
Étant particulièrement fan de cette période particulière de l’héroïc-fantasy, la découverte du téléfilm de Arthur Rankin Jr et Jules Bass – aussi à l’œuvre sur La Dernière licorne et une des premières adaptations de l’œuvre de Tolkien Le Hobbit – est pour moi une très bonne découverte. Bien que souffrant probablement d’un manque de budget et notamment de son statut de film TV, Le Vol des dragons s’en sort particulièrement bien grâce à une histoire exigeante et particulièrement stimulante. Celui-ci est d’ailleurs basé sur deux ouvrages Le Dragon et le George de Gordon R. Dickson et The Flight of Dragons de Peter Dickinson.
Les êtres humains sont à une période cruciale de leur existence. Alors que le territoire de la science ne cesse de s’avancer, celui de la magie n’a d’autre choix que de reculer. Le mage de la terre et de la nature Carolinus réunit ses trois frères afin de sauver la magie : le seigneur des hauteurs et des profondeurs : Solarus, le seigneur de l’air et de la lumière : Lothajan et le mage des ténèbres : Ommadon (joué par James Earl Jones en VO). Tandis que Carolinus souhaite sauvegarder la magie dans un nouveau monde isolé, Ommadon refuse de s’allier à ses frères et souhaite utiliser la capacité de l’homme pour la rationalité afin de la retourner contre eux et les exterminer. Carolinus n’a d’autres choix que de réunir une équipe de héros afin de stopper les plans machiavéliques de son rival. L'espoir de cette quête désespérée face à une armée diabolique et désespérée se trouve en Dickenson, un humain féru de science mais également de fiction et inventeur d’un jeu de rôle particulièrement méta.
Dans leurs aventures, nos héros découvriront que « magie » et sciences ne sont pas forcément des opposées. L’avancée des connaissances permet d’expliquer bon nombre de phénomènes magiques qui n’ont jamais été jusqu’ici étudié avec méthode et connaissance. Comme l’explique, en gros, le dragon de Carolinus, « c’est ainsi que ça fonctionne, il n’y a aucun besoin de savoir pourquoi et comment » face à Dickenson qui analyse tout ce qui se passe autour de lui. Nous découvrons ainsi que le vol des dragons est dû à un stockage d’hydrogène dans leur poitrine leur permettant de s’élever comme des montgolfières puis que brûler ce gaz en crachant du feu leur permet de descendre. L’univers magique ne nous paraît alors plus si mystérieux et inaccessible qu’il en avait l’air.
Le Vol des dragons n’existe pour l’instant que sous format numérique puisqu’aucune édition DVD ou Blu-ray n’a été édité en France. Outre l’aspect daté et low-cost de l’animation qui en rebutera plus d’un, on regrettera surtout les voix françaises, les seules disponibles, qui, malgré la présence de Roger Carel dans plusieurs rôles, ne sont pas à la hauteur et frises souvent le ridicule. Heureusement, la lourdeur des dialogues est sauvée par la composition musicale épique qui nous fait plonger dès les premières secondes dans cet univers fantastique.
Malgré un scénario de quête et un manichéisme primaire très convenu dans ce genre d’univers, le film propose au spectateur de réfléchir à l’articulation des concepts de sciences et aussi de croyance et d’imagination à travers la magie. Est-ce que penser l’un sans l’autre est vraiment envisageable ? Le Vol des dragons est une ouverture vers des questionnements philosophiques accessibles au plus jeunes sur ce qui relève du vrai, du faux et de la croyance. Croisons les doigts pour qu’un jour un bon remake de ce film puisse voir le jour avec des moyens adéquats.