En 1948, le Voleur de bicyclette semble être la quintessence du néoréalisme italien alors en pleine gloire, c'est un film populaire qui conte un récit prolétarien. Tourné dans les rues de Rome, conformément aux principes de l'école néoréaliste, avec des acteurs non professionnels (alors que De Sica voulait au départ Henry Fonda, mais ça n'a pas été possible), le film est un peu comme une sorte de semi-reportage sur l'Italie de l'immédiate après-guerre, si réaliste qu'il a été accusé par les communistes, le Vatican et les critiques de montrer un visage trop noir du peuple italien et une image trop misérable et trop désespérante de l'Italie populaire.
Cette histoire aurait pu être une tragédie ou un mélo larmoyant, mais par le talent de son réalisateur, le film est au contraire un film optimiste, c'est un peu paradoxal de dire ça, mais il adopte un point de vue moral étroitement lié à une analyse sociale précise, s'inscrivant ainsi dans la voie tracée par le néoréalisme, et celui de De Sica atteint au réalisme véritable et bouleversant car il est dépouillé de populisme et de naturalisme pour être la peinture d'une Italie en crise, un tableau sincère d'humanité et de sensibilité.
Des années plus tard, on voit ce film avec un oeil différent, on est sans doute plus sensible au scénario bien construit, avec ses rebondissements constants et son ton tragi-comique qui jouent sur un aspect comique ou sur le pathétique, car derrière transpire un côté mélodramatique. On est touché par l'histoire de cet ouvrier marqué par le destin, qui s'enfonce inexorablement dans le cauchemar du chômage, sous le regard d'un enfant qui est comme sa conscience. La fin est donc déchirante, car Antonio Ricci est écrasé par des règles du jeu qui lui échappent, condamné à l'échec et à une triste condition prolétarienne.