Second film que je visionne de la période du néo-réalisme Italien, et je tombe déjà sur un chef-d'œuvre. N’hésitez pas à me corriger si je me fourvoie, mais de ce que j’ai pu apprendre de mes lectures, Bicycle Thieves a tout d’un film néoréaliste: caméra dans la rue sans recours à des studios, absence d’acteurs professionnels et une intrigue qui découle d’un problème qui peut nous sembler insignifiant.
Bicycle Thieves nous raconte l’histoire d’un ouvrier qui se fait voler son vélo, nous suivrons alors son aventure dans les rues d’Italie, accompagné de son fils, en quête de retrouver son vélo. Il est quand même important de préciser que son vélo est d’une importance capitale pour son travail, sans ce dernier il ne peut plus exercer son travail. J’ai dit un peu plus haut que cet événement est insignifiant, en réalité il prend sens avec son contexte social d’époque. C’est la peur d’un chômage dans cet Italie d’après-guerre qui plane au-dessus de notre héros, qui le terrifie et qui par la suite va lui faire commettre un acte indigne pour lui, j’y reviendrai plus tard. Le vélo est à cette époque un objet essentiel, il l’est déjà intrinsèquement pour le travail de notre personnage principal, mais il l’est d’autant plus dans une époque où il n’y a, hormis les bus, que très peu de véhicules mécaniques. L’objet est par conséquent capital pour le héros, cet incident qui est, pris hors contexte, n’est que banalité, est pour notre personnage un enjeu déterminant de son avenir.
Le coup de maître de De Sica dans ce film est à mon sens le choix de faire accompagner le père de son enfant pendant l’intégralité de la recherche de son vélo. Au sein de l’histoire, l’enfant n’a en soi que peu d’intérêt, les événements auraient pu se dérouler de la même manière s'il n’était pas présent. C’est la valeur éthique et morale que contraint l’enfant à son père qui apporte toute l'ambiguïté d’actions de ce dernier. Et c'est bien cette relation père-fils qui permet au réalisateur de livrer cette scène finale qui est d’une beauté divine. Désespéré de ne plus retrouver son vélo, le héros décide à son tour d’en voler un, mais il ne peut s'exécuter sous les yeux admiratifs de son fils. L'ambiguïté morale à laquelle est confronté le père l’oblige à envoyer son fils de l’autre côté de la rue pour qu'il ne voit pas son père reproduire une action que lui-même a condamnée tout le long de cette aventure. Mais malgré ça, le regard silencieux de l’enfant à son père laisse supposer qu’il avait deviné sa pensée. Après s’être fait prendre en train de voler un vélo, le père est assommé d’une honte provenant de deux facteurs: la première est la honte sociale d’être identifié en tant que voleur devant la foule, la seconde, encore plus grande, est la honte que son fils est assisté à cet acte. La fin, tragique, permet à De Sica de livrer l’une des plus belles scènes finales du cinéma. Père et fils, marchant côte à côte, les larmes aux visages, se tiennent la main. Cette histoire est un point de non-retour dans la relation fusionnelle entre le père et son fils, pleurant tous deux, le fils prend la main de son père, cette aventure ne changera pas l'amour qu'il porte pour son père, il continuera de l'aimer avec cette honte.