Il endosse une première fois la cape du conte Dracula dans un spectacle en 1927. Mais c’est en 1931 que Bela Lugosi se fera connaître pour l’éternité en reprenant ce rôle vampirique pour le célèbre film de Tod Browning, Dracula. Il ne reprendra les crocs qu’à une seule reprise, pour Deux Nigauds contre Frankenstein en 1948.
Même s’il avait peur que ce rôle le vampirise, et ce sera le cas, il a su aussi en jouer. Milles légendes accompagnent la vie de cet acteur né en Autriche-Hongrie qui avait compris qu’il lui fallait marquer les esprits pour perdurer dans ce milieu concurrentiel. Parmi celles-ci, qu’il dormait comme le comte Dracula dans un cercueil.
Il est donc amusant de le retrouver dans ce film dormir dans un cercueil, au détour d’une scène. A la journaliste étonnée de cette façon de faire, le personnage du film s’en amuse, indiquant que beaucoup plus de personnes dorment de cette façon qu’elle ne le croit. La référence ne pouvait manquer à personne à cette époque.
The Corpses Vanishes ou Le Voleur de cadavres en bon français ne vaut pas que pour cette anecdote. Il repose sur d’autres fondations assez réussies, qui font de ce film une agréable découverte.
Réalisé par Wallace Fox, il démarre sur les chapeaux de roue. Il n’y a même pas deux minutes de pellicule au compteur, dont les 3/4 de générique, qu’une personne décède, une jeune fille lors de son mariage. Mais son cadavre disparaît par la suite. Il est rapidement expliqué que ce n’est pas la première fois, la police est sur les dents, la presse est à l’affût.
Interprétée par la piquante Luana Walters, la journaliste Patricia Hunter s’empare de l’affaire. Le point commun entre ces mariées serait une orchidée bien particulière aperçue sur les photographies. Seule une personne a crée cette variété, le Dr Lorenz. Celui-ci qui vit dans un manoir reculé est un homme affable de premier abord, doux et à l’écoute, mais il peut se montrer d’une cruauté froide quand il s’occupe de ses domestiques, un bossu, un nain (joué par Angelo Rossitto, vu dans le culte Freaks) et leur mère. Bela Lugosi est à la fois paternel et inquiétant, déterminé à préserver la beauté de sa femme. La Comtesse Lorenz est froide et cruelle, mais se montre aussi excessive, extrêmement paranoïaque mais aussi éplorée quand les remèdes de son mari ne lui apportent plus la beauté de la jeunesse qu’elle convoite. Elizabeth Russell est elle aussi saisissante.
Car il est bien sûr question de remèdes miracles, prélevés sur les corps des jeunes mariés. Leur beauté semble le critère premier de choix, peut-être est-ce aussi leur virginité. En s’emparant de leur jeunesse et de leur pureté ce couple maudit se cherche une jeunesse innocente qui les a perdus depuis longtemps.
Cet argument de série B n’est pas de la plus grande originalité, tout comme le recours à un bref moment par l’hypnose pour une scène un peu inutile. Mais le film l’exploite assez bien, jouant sur plusieurs registres. C’est une enquête à laquelle se livre Patricia Hunter, femme forte et rusée, un profil intéressant, malgré les réticences de son directeur. Même si la deuxième moitié du film lui octroie un allié, le docteur de ce couple, elle reste une figure féminine assez rare dans ce genre de films. Si le spectateur a une longueur d’avance sur elle, les mystères qu’elle va tenter de résoudre sont assez bien dosés.
C’est d’autant plus intéressant que le film va jouer dans deux principaux décors, avec ces mystères en fil rouge. Le cadre urbain est principalement celui des cérémonies de mariage ou de la rédaction du journal et il est parfumé d’un certain humour qui se révèle parfois noir. C’est le sensationnalisme qui semble diriger ce journal, bien satisfait d’une telle affaire. Une fois que Patricia rencontre cet étrange couple et qu’il est obligé de rester la nuit, le spectateur perçoit bien que derrière certains dialogues bien polis une menace plane, qui se diffusera dans la pénombre
Si Le Voleur de Cadavres ne jouit pas de la grande originalité, sa manière d’envelopper son histoire entre mystères, humour et une légère angoisse lui fait du bien, d’autant plus avec des personnages interprétés par des comédiens aussi bons. La mise en scène est assez classique, mais pas non plus dépaysante, tandis que le noir et blanc compte plus de noir que de blanc, pour jouer sur les ambiances. Le film est depuis passé dans le domaine public, attention tout de même à certaines copies de copies à l’image trop cracra, autant visionner ce réussi film d’exploitation dans les conditions qu’il mérite.