Chihiro est une petite fille ordinaire de dix ans. Née 4 ans après Mononoké, elle promène sa mauvaise humeur sur les routes du Japon quand ses parents ont décidé de déménager. Miyazaki a mis longtemps à se remettre du travail sur Mononoké et le triomphe de Chihiro va lui redonner confiance en son travail. Le film sera d'ailleurs récompensé au festival de Berlin.
Revu pour la énième fois à la faveur de la sortie du Blu-Ray, je suis de nouveau sous le charme des aventures fantastiques et l'apprentissage de cette petite citadine capricieuse.
La profusion formelle de ce film ressort d'une manière impressionnante de cette copie.
Décidément les Blu-Ray Ghibli valent vraiment le coup d'oeil et l'investissement (surtout quand il s'agit de cadeaux :p) La numérisation des dessins du maître peints à la main est juste grandiose.
La scène de la course dans le champ de fleurs est d'une splendeur époustouflante.
Au détour d'une route de campagne, Chihiro et ses parents se perdent en cherchant leur nouvelle maison et se retrouvent à errer dans un village abandonné.
La première partie se veut un récit universel accessible au plus grand nombre alors que la seconde fait appel à la mythologie japonaise qui peut laisser certains sur le bas côté. Personnellement, j'ai embarqué avec une joie non dissimulée. Miyazaki s'en tient à ses légendes et ne s'autorise aucun compromis culturel afin de faire du "world cinema". Grand bien lui en a pris.
Le rêve tourne au cauchemar quand la demoiselle retrouve ses parents devenus des porcs prêts à accompagner du riz gluant dans une sauce adéquat. Les deux adultes ont été punis pour leur goinfrerie immodérée. Là se place la critique de l'argent comme vecteur de corruption. Le père rétorque sans plus réfléchir qu'il a sa carte de crédit pour résoudre le moindre problème tout en continuant à dévorer les plats. L'idée est reprise avec le Kaonashi dont l'or semble pouvoir tout acheter. Mais l'étrange est partout... Une fois passé le symbole de la porte d'un autre monde, elle n'est plus maîtresse de rien. Le tunnel, la rivière et le pont sont tout autant des passages d'un monde à l'autre. Tantôt ouverts et accessibles, tantôt fermés.
Elle est seule, doit faire face à des fantômes, des dieux oubliés ou des sorcières. Le monde dans lequel elle évolue désormais n'est plus le sien et elle doit s'adapter à ses nouveaux congénères. Elle est une humaine, méprisée par les esprits et n'est donc plus au centre du monde, petite fille gâtée, entourée et protégée par ses parents évoluant dans un monde dont elle maîtrise les codes. Elle ne peut même plus garder son identité et se voit obligée de changer de prénom. Yubaba, la sorcière, le sorcière propriétaire du centre de bains où elle travaille, lui vole un caractère réduisant son prénom à un caractère hiragana "Sen" auquel elle devra répondre désormais. De banale voire même pénible, Chihiro va peu à peu se révéler. En plus de se forger un caractère, d'adopter des valeurs et de rencontrer l'Amour, elle va se métamorphoser physiquement et gagner ses gallons de charme au contact de celui qu'elle aime.
Elle doit s'intégrer au monde des dieux et des esprits qui selon les croyances japonaises cohabitent avec le nôtre.
Ici aussi, comme souvent dans son oeuvre, l'ivresse des hauteurs n'est aucunement épargnée au spectateur. Pas d'île volante ou d'avion qui brise les nuages ici mais des voyages vertigineux accrochée aux cornes d'un dragon volant Haku le pendant chihirien du Hauru de Sophie dans Le château ambulant.
Ce film signe donc la consécration de l'oeuvre du maître et sa reconnaissance sur la scène mondiale. Avec un ours d'or (rarissime pour un film d'animation) et un oscar la fidélité à un patrimoine lui a ouvert les porte du reste du monde et montre que rester incorruptible porte ses fruits au long terme.