Dimanche oiseux, redondant, je me tourne un peu les pouces et qu’est-ce que j’apprends ? Le voyage de Chihiro passe dans le petit cinéma de ma ville. Je l’ai déjà vu plusieurs fois mais peu m’importe, je fonce.
Et quelle claque (encore) ! Une ballade onirique magistralement contée par le maître Miyazaki. Pendant deux heures s’entremêlent des paysages magiques, des plans léchés, des créatures toutes aussi fantastiques et atypiques les unes que les autres. Le tout teinté de métaphores, d’allégories et de personnifications : chaque détail à une âme dans le film du Japonais.
Tout le long, on suit le voyage initiatique de la petite Chihiro qui se trouve embarquée malgré elle dans une folle épopée. Le périple commence alors qu’elle et ses parents, en plein déménagement, tombent par hasard sur un énigmatique parc d’attractions abandonné. Les ennuis commencent, Chihiro se fait brusquement happer dans un monde secondaire régi par des fantômes, des esprits et des dieux représentés sous forme de monstres inspirés du folklore japonais. Sa principale mission sera de sauver ses parents, transformés dès lors en cochons pour avoir osé se délecter d’un mystérieux buffet appartenant à la terrible sorcière Yubaba.
Hayao Miyazaki et le Studio Ghibli arrivent à ajouter, en plus de la beauté esthétique de l’œuvre, une profondeur insoupçonnée pleine de symboles et d’allusions, propre à des œuvres comme Princesse Mononoké ou Le Château ambulant, mais plus ancrée encore dans l’imaginaire et le fantasmagorique. Avant d’être une ode au rêve, à la nature, Le Voyage de Chihiro est avant tout une ode au Japon. Miyazaki voulait renouer avec les valeurs traditionnelles nippones d’antan : le profond respect de la nature, de l’Homme et de chaque chose, même la plus imperceptible, de l’univers.
Le voyage de Chihiro est aussi un pamphlet de la société contemporaine. À travers les protagonistes du monde des esprits, particulièrement la sorcière Yubaba qui réunit à elle seule tous le vices, Miyazaki critique vivement l’abus de pouvoir, le capitalisme, la hiérarchie souvent immuable... Tout en critiquant, il laisse un espoir avec la jeune Chihiro ; la gamine timorée et peureuse du début laisse vite place à une héroïne courageuse et rusée qui réussira par sa volonté à faire bouger les lignes du monde des esprits.
Si vous voulez rêver, pousser l’imaginaire jusqu’à ses confins, ce conte animé est fait pour vous. Entre les yōkai délirants, les personnages secondaires attachants comme le vieux Kamaji, la servante Lin ou encore l’ambigu Haku ; les divers messages délivrés par Miyazaki, l'ensemble relevé par la renversante musique du compositeur Joe Hisaishi, vous ne serez pas déçus.
« Tout est absurde et c’est encore rêver qui l’est le moins » disait Fernando Pessoa. Après avoir vu ce film, on pourrait la transposer en : tout est absurde est c'est encore regarder Le voyage de Chihiro qui l'est le moins.
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