Perle noire signée Atom Egoyan avec un Bob Hoskins monstrueux et une magnifique révélation du nom d'Elaine Cassidy.

Auteur complet, Atom Egoyan est passé depuis «De beaux lendemains» à l'adaptation avec une aisance déconcertante. Avec «Le voyage de Felicia», il porte à l'écran le roman de William Trevor sur un mode narratif à la fois simple et complexe par l'utilisation très subtile du flash-back.
Felicia (Elaine Cassidy), jeune Irlandaise de dix-sept ans traverse la mer pour rejoindre son amant et lui annoncer sa grossesse, en Grande-Bretagne, avec pour seule adresse, l'usine dans laquelle il travaille. Très vite perdue, elle fait la rencontre de Monsieur Joseph Ambrose Hiditch (Bob Hoskins) qui lui offre le gîte. Ce personnage rondouillard et très poli exerce ses talents culinaires dans une grande entreprise de la région. Célibataire, il a pour habitude de se lier avec les jeunes filles sans domicile. Ainsi, Felicia tombe sous le charme avenant de ce petit bonhomme à qui l'on donnerait le bon dieu sans confession. Mais c'est bien connu, il ne faut jamais se fier aux apparences.
Très rapidement, Atom Egoyan casse son récit linéaire par de très courtes séquences évoquant par exemple la fuite de Felicia de son village irlandais suite à une dispute avec ses parents ou le récent passé d'Hiditch et ses relations avec les jeunes filles de passage dans sa région. Mais là où le film prend une dimension quasi fantastique, c'est dans l'évocation de la tendre enfance d'Hiditch que l'on découvre à la télévision dans une émission culinaire aux côtés de sa mère (Arsinée Khanjian). Contrairement à celle évoquées précédemment, ces scènes ne sont pas directement traitées en flash-back. Elles sont vues par Hiditch, et à travers lui par le spectateur, dans le poste de télévision qui trône dans la cuisine. Hiditch refait les mêmes recettes que sa mère en visionnant les cassettes de son émission culinaire dans lesquelles il apparaît souvent. C'est grâce à ces vidéos que l'on découvre, non seulement le passé, mais aussi la psychologie d'Hiditch. L'utilisation d'un appareil audiovisuel ou électronique est un processus récurrent dans l'œuvre d'Atom Egoyan, mais cette fois il se sert du plus commun en le transformant en une sorte de monstre ayant pour fonction de guider le spectateur dans l'esprit tortueux de son personnage.
L'angoisse qui naît petit à petit est soulignée par la musique de Mychael Danna, compositeur fétiche du cinéaste, qui parvient au travers d'une formation jazz à évoquer la folie refoulée mais explosive d'Hiditch, faisant du «Voyage de Felicia» un film unique.
RemyD
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le 17 oct. 2010

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