Supplique pour être exhumé de l'oubli.

Voici donc la dernière, l'ultime réalisation du regretté Georges Méliès qui met dans la foulée la clé sous la porte de son studio de Montreuil en cette triste année 1913. Trop enclin à produire du théâtre filmé depuis ses débuts le ciné-magicien est alors délaissé par le public et les exploitants forains au profit des nouvelles technologies de l'époque, le Cinématographe déployant ses capacités à vitesse V. Si déjà A la Conquête du Pôle fut considérablement mal accueilli par les spectateurs un an auparavant Le Voyage de la famille Bourrichon passe presque inaperçu, à tel point que bon nombre de cinéphiles d'hier et d'aujourd'hui l'oublient et/ou le méconnaissent...

Certes très imparfait, scénique dans ses meilleurs comme dans ses pires aspects ce court métrage visiblement inachevé met pourtant un point d'honneur à raconter quelque chose, curieuse épopée d'une famille en complète banqueroute, errant de place en place à des fins salvatrices... Étonnant de voir à quel point le parallèle s'esquissant entre Georges Méliès et sa poignée de personnages trouvent une émouvante et poignante résonance empirique. Comme à son habitude l'inventeur du trucage et de la surimpression filme son monde à hauteur de tréteaux, peu capable de renouveler son univers malgré un penchant plutôt savoureux pour le gag et les ressorts du cinéma burlesque ( la micro-séquence du puits en est l'exemple le plus frappant ).

Le Voyage de la famille Bourrichon n'est certainement pas l'une des réussites majeures de Georges Méliès, mais gagne étrangement en sympathie au regard du déclin fracassant que l'artiste et homme-orchestre subit à l'aune des années 1910. Une relique qui redonne foi aux peaux mortes du Cinématographe, inégale mais dont l'intérêt historique s'avère indispensable. A exhumer de l'oubli.