Vingt ans après, le réalisateur, scénariste et dessinateur Jean-François Laguionie reprend les univers créés dans « Le Château des singes » (1999), ainsi que l’un des personnages principaux, le Prince des Laankos, souverain magnanime, et prolonge l’aventure. En effet, le Prince réchappe du naufrage qui fermait le film précédent et échoue sur une plage bordant le territoire des Nioukos. Il y est découvert par Tom, un jeune garçon vivant auprès de deux scientifiques, dont l’inconnu, qui ne parle pas leur langue, pique aussitôt la curiosité. Ces rencontres seront l’occasion, comme dans « Le Petit Prince », d’une approche progressive et mutuelle. Comme dans « Le Château des singes », la complicité s’instaurera donc entre le beau Prince vieillissant et un jeune enfant, Tom devenant ici le double de Kom, le délicat enfant issu de la tribu des Woonkos et accidentellement tombé de la canopée, où vivaient les siens. Guidé par Tom, sur un mode qui n’est pas sans rappeler celui des « Lettres Persanes » (1721) de Montesquieu, le Prince découvrira une civilisation très avancée, dont plusieurs traits soulignent de manière un peu appuyée la proximité avec la nôtre, dans sa modernité, si ce n’est sa contemporanéité : avancement technique, repli sur soi, volonté de maîtrise, jusque sur la nature (on en revient actuellement...), développement urbain, consumérisme, obsolescence programmée...
La leçon risque de paraître un peu claire, d’autant que la musique de Christophe Héral, par ailleurs non dénuée de charmes, s’abandonne par instants à des envolées trop explicites... Heureusement, la délicatesse du trait, la douceur des teintes, comme fanées, la sagesse tranquille de certains échanges, et notamment certains propos du Prince, apportent la touche de subtilité qui pouvait manquer à la démonstration. Et l’on se laisse charmer par certains dialogues touchants entre l’enfant et son Prince protégé. Force est de reconnaître que ce patriarche a de quoi faire vaciller le jeunisme ambiant, avec ses grands yeux assyriens surlignés de noir et la voix profonde et douce, à peine relevée d’une pointe d’accent mélodieux, que prête à ce dessin l’acteur Enrico di Giovanni.
La dernière partie se dégagera d’une réalité terre à terre devenue oppressante et prendra de la hauteur, en rejoignant l’univers de la canopée, sorte de monde parallèle où se seraient réfugiés les rêveurs contemplatifs, désireux d’échapper au productivisme forcené. Une proposition qui ne manque pas de séductions, d’autant qu’elle ouvre sur une fin échappant au pathos et pouvant au contraire être perçue comme une promesse d’horizons nouveaux...