Une jolie fable mettant en scène des singes, c'est-à-dire tout sauf des animaux, qui souffrent des mêmes penchants discutables que nous : ignares mais dogmatiques quand même, ils se piquent de détenir la primeur de la connaissance universelle. Dans leur monde, plusieurs foyers de peuplement vivent isolés les uns des autres, refusant aux autres la moindre existence. Un prince érudit et curieux se lance à l'aventure sur la mer gelée et se réveille sur un rivage inconnu. Pour ceux qui le recueillent, il n'est qu'un spécimen et il ne mérite que de devenir un objet d'étude qui finira dans un zoo. Son raffinement intellectuel en souffre, mais sa nature de gentleman lui interdit toute révolte. Heureusement, un enfant saura transcender l'appareil intellectuel de son époque et établir un contact véritable. Évidemment, je doute sérieusement de la capacité des enfants ou des adolescents à s'extraire de la grille de lecture du monde qui leur a été imposée à la naissance, mais au moins peut-on leur reconnaitre une certaine aptitude à bousculer les certitudes des adultes qui les entourent. Enfin, de ceux qui se montrent un tantinet réceptifs, pas de ceux qui distribuent des torgnoles et affectionnent les privations sadiques. Mais bon, au moins cette fable a-t-elle le mérite d'épingler l'académisme, l'ethnocentrisme, le snobisme, le dogmatisme et le suprémacisme. C'est un programme ambitieux mené avec une indéniable poésie, dans des décors désuets pleins de charme. Les personnages sont archétypaux, mais les enfants s'y retrouveront. Les grands y trouveront également de quoi se distraire, avec ces figures scientifiques caricaturales, cet aristocrate aventurier et cet enfant multilingue. Un joli divertissement à visée philosophique et pacifiste, en somme.