Les amateurs d'Horreur bien troussée pensaient avoir déjà pris connaissance des origines du mal habitant Leatherface : ils n'avaient même pas vu le prequel ! The Beginning (qui reste de loin le meilleur opus depuis le numéro 2 de 1986) en était bien un, mais seulement celui du remake par Marcus Nispel ! En 2017 et en vidéo pour la France et de nombreux autres pays, les spectateurs découvrent ainsi l'enfance et l'adolescence du boogeyman d'une des franchises les plus populaires du genre, Texas Chainsaw Massacre. C'est déjà le neuvième opus de la saga. Malgré l'immense succès commercial de son prédécesseur le calamiteux Texas Chainsaw 3D (bien pire qu'un Vendredi 13), il semble générer peu d'enthousiasme, la faute à des réponses apportées déjà bien tard et aux difficultés à déterminer la pente à suivre.
Le film laisse planer un doute sur l'identité de Leatherface : est-ce le gros mutique Bud ou le joli [gendre idéal] raté Jede/Jackson ? Quoiqu'il en soit la transformation en bête masquée sera précipitée. La famille Sawyer est radicalement plus propre et la mère est carrément présentable. Ce n'est pas une femme 'du monde' mais elle pourrait passer pour normale et raisonnable (quand elle s'abstient de gueuler). C'est une citoyenne pourrie et une matriarche perverse ; dans les films antérieurs (qui se déroulent donc plus tard) on étaient sortis de la civilisation et il n'y avait plus moyen de faire semblant. Autour en revanche la normalité est mise hors-jeu. La maison est glauque (avec une multitude de pièges et de gadgets), quoique la sauvagerie elle-même semble encore très disciplinée. Et bien sûr, les actions et situations sont tarées – et tout ce tableau est posé dès la séquence d'ouverture, où l'anniversaire est l'occasion d'une initiation aux sports familiaux.
Le film n'est pas 'bien' écrit et le scénario est même progressivement parasité, mais au moins il est étoffé. Il y a du mouvement et des rebondissements, les personnages principaux meurent tout le long (il y aura le minimum nécessaire de survivants). En revanche la cohérence est compromise dans le derniers tiers, occupé par la traque du texas ranger vengeur (responsable du traumatisme mineur de Leatherface – comme le placement des enfants de Myriam Badaoui a dû être une déchirure bénigne ou un 'moindre mal') et quelques retrouvailles. Un revirement rapide se produit après l'incident sur la route. La séance fonce vers un final potentiellement déchirant (mais il faudrait sauter quelques barrières) puis règle cette tension de manière claire et nette. Tout ça est atroce, mais aurait pu être plus profondément malsain (comme la séduction dans le 2 l'était, même largement pire, mais sans les perspectives hautement sulfureuses derrière). Là, c'est le genre de gifles qui ne brise pas – il y a tout de même de quoi y repenser, sûrement y revenir pour des spectateurs réceptifs ou découvrant la saga par ce bout.
La mise en scène est aléatoire. Leatherface a massivement plus de tenue que Cult of Chucky (septième livraison d'une franchise qui elle n'aura jamais brillé même sur le plan nanar), notamment grâce au travail du chef opérateur et probablement grâce à la supervision des français Bustillo et Maury (Livide, À l'intérieur), qui ont toujours été d'excellents créateurs d'ambiances et surtout d'univers visuels (même si leurs films inspirent beaucoup de scepticisme). La réalisation a des points communs avec le remake de Vendredi 13 lorsqu'elle s'aventure dans les bois. Mais à l'instar de la construction des origines de la créature, ce travail est passablement charcuté. L'évasion de l'hôpital est rendue illisible le plus souvent et certains effets tapageurs, sans nuire, semble s'ajouter surtout par principe voire par devoir.
Le film est ostensiblement retouché et utilise des gadgets ou décors tout neufs (la voiture rouge), trop neufs (la tête de veau numérique) ! Le couple apporte un peu d'animation perverse et tirer vers Devil's rejects, sans accomplir sa vocation hors-sujet ni enrichir l'ensemble. Ils arrivent tout de même à renforcer la logique du film – le trio est d'autant plus sympathique, puisqu'il y a des antagonistes parmi les antagonistes 'naturels'. En contrepartie de la scène au bar et de sa tentative de virage 'cool' (musique enjouée, barbaque allègre), le mauvais sort réservé à Ike fait partie des moments trash amusants. Le reste du temps, le style est agressif, déterminé, pas spécialement froid et peu poisseux, avec une musique pesante. Dans l'ensemble les scènes sont grotesques (notamment au début) ou sidérantes, sans second degré mais en laissant de la place à un humour indirect ou subjectif.
https://zogarok.wordpress.com/2018/01/10/leatherface/