Le Projet Blair Witch, c'était 13 ans plus tôt. Autant le dire d'emblée, Leaving D.C. ne réinvente pas vraiment le sous-genre du found footage ni sa forme, comme aurait pu le faire Deadstream récemment ou encore Host.
Pourtant, à la recherche d'un film court (à peine 1h10) dans le catalogue Shadowz, je me suis laissé tenter, et force est de constater qu'avec trois bouts de ficelles Josh Criss nous pond un objet filmique assez particulier.
L'histoire est simple: en burn-out, Mark s'échappe de D.C. pour se trouver une maison au milieu des bois, à des kilomètres du vacarme de la ville et du stress citadin. Un bol d'air frais et des envies de renouveau. Pourtant, outre les secrets que recelaient l'histoire de la maison, Mark se rend compte qu'il n'est pas si seul au beau milieu de cette forêt et va commencer à enquêter sur les bruits qui le tiennent éveillés la nuit... Il informera ses collègues de sa nouvelle vie d'ermite via des capsules vidéos qu'il leur envoie de temps en temps. Ces mêmes capsules que découvrent le spectateur.
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Le héros s’arrête, certain d’avoir échappé au tueur psychopathe qui le poursuivait. Il souffle. Les respirations se calment. La caméra panote et filme l'obscurité. La musique redescend. Et ainsi s’ouvre la fenêtre du jumpscare. Un procédé bien connu des spectateurs, qui le voient arriver à des kilomètres, se crispant dans leur siège et ne pouvant s’empêcher de sursauter lorsqu’il explose à l’écran. Une recette rebattue dans le cinéma d’horreur, maîtrisée par les réalisateurs qui parfois s’amusent avec en le faisant survenir là où on s'y attend le moins.
Criss prend ce processus à un total contrepied: il s'offre en effet de nombreuses fenêtres de jumpscare (il filme la nuit par la fenêtre, bruitée par la caméra numérique ; il laisse l'arme sur le rebord tandis qu'il s'absente de la pièce, assurant au spectateur l’émergence d'une main venue la retirer...) et jamais, du début à la fin de son long-métrage, il ne saisira l'occasion d'en réaliser un.
Et c'est sans doute l'une des meilleurs idées de Leaving D.C. : il construit ainsi une tension qui va crescendo sans avoir ces mini-résolutions passagères (et par conséquent tassement de tension) que produisent les jumpscares. Il ne crée aucun sursaut, mais juste une distension constante dépourvue de toute rupture.
Mais le génie de ce petit malin de la trouille ne se circonscrit pas seulement à cela. En effet, que ce soit imposé par son maigre budget ou une volonté consciente, Criss comprend parfaitement le rôle du hors-champ dans la construction et l'enflement de la tension. Pour ce faire, il va utiliser deux procédés géniaux : un piège-caméra à détecteur de mouvement et un enregistreur sonore.
Le premier ôte au spectateur le son et l'image-mouvement, la camera-trap n'enregistrant qu'une série de trois photos successives. Le second le prive carrément de tout élément visuel.
Avec ces outils, Criss offre à son personnage principal des oreilles et des yeux qu'il peut disposer où bon lui semble, durant son sommeil, et les visionner/écouter le lendemain matin. L'exploration des pistes sons et des cartes SD remplies de photos (définition même du hors-champ, car dépourvue de ce qui fait l'image-mouvement) offrent ainsi au spectateur l'assurance d'une découverte terrifiante et une tension qui va monter graduellement.
Alors certes, Leaving D.C. n'est pas dépourvue de défauts. Le début de romance avec Claire n'amène quasiment rien à l'histoire, l'exploration des pistes-son devient quelque-peu répétitive et jamais aussi tendues que la première découverte (et sa voix déformée) et l'interprétation de Josh Criss (réalisateur et premier-rôle) laisse parfois à désirer.
Pourtant, dans son dépouillement total et dans la confiance qu'il place dans le hors-champ, il reste une bonne tranche de trouille d'à peine une heure dix et une bonne surprise de found-footage !