Leçon de cinéma
Comme un diamant, Leçons d'harmonie irradie dès les premières images. Cinéma pur, art narratif proche de la perfection, le premier long métrage d'Émir Baigazin est un joyau rare, une évidence. Aslan,...
Par
le 6 févr. 2014
9 j'aime
2
Quelle claque que ce premier long métrage d'Émir Bayğazin, réalisateur kazakh, sorti en 2014 dans les salles obscures françaises !
Je l'ai découvert totalement par hasard sur Arte (source de bien de mes découvertes cinématographiques) : le thème m'a plu d'emblée (l'entrée dans l'adolescence) et la promesse de découvrir un pays que je connais très très peu : le Kazakhstan.
Le héros, Aslan, n'a que treize ans et déjà pas mal de soucis. D'ailleurs, sa grand mère, qui l'élève seule, le dit : "il ne sourit jamais et a l'air toujours préoccupé".
Déjà, il est orphelin; il vit dans une ferme isolée à la campagne et devient le soufre douleur du caïd de son collège : le jeune Bolat. Un examen médical va précipiter cette situation.
Dés lors, il sera moqué et mis au banc, par l'ensemble des élèves du collège (à de très rares exceptions près).
Il est différent des autres, Aslan : il ne fait pas de sport d'où son aspect malingre, il aime les animaux (même s'il aime torturer les cafards), il aime les sciences et particulièrement la biologie animale.
Mais il va devenir un dur à sa façon, méditant longtemps sa vengeance contre Bolat.
Ce qui m'a frappé dans ce film c'est la violence des relations humaines, infiltrant l’ensemble de la société.
Au début du film, les médecins scolaires n'hésitent pas à employer des méthodes humiliantes, voire à frapper les élèves pour les examiner.
Les jeunes garçons entre eux se rackettent. Toute une hiérarchie existe entre les élèves, avec des rabatteurs, des racketteurs, des chefs de bandes, des grands frères (qu'on ne voit pas, mais qui dirigent les opérations de racket organisé).
La proviseure du collège est très dure.
Les policiers sont d'une extrême brutalité, utilisant la torture physique et psychologique pour faire avouer Aslan et son copain, Mirsayin.
Mirsayin est un nouvel élève, qui vient de la ville, un autre monde pour Aslan qui n'a visiblement pas ou très peu quitté sa campagne profonde. Mirsayin a du mal à entrer dans les coutumes locales; il tente de se révolter contre cette hiérarchie entre les élèves et refuse dans un premier temps de s'y soumettre. Mais la brutalité des chefs de bande aura raison de sa rébellion. Cependant, l'injustice trop criante envers Aslan, qu'il apprécie, va le faire sortit de se gonds.
ça sera alors l'escalade de la violence.
Il faut noter la grande qualité de la photographie, le choix de la quasi absence de couleurs, avec l'omniprésence du blanc (le blanc de la neige, le blanc du mouton qu'Aslan égorge, le blanc des couloirs du collège, le blanc des salles de sciences, le blanc de l’hôpital) qui va de mise avec et la sobriété de la mise en scène.
On ne verra pas le rouge, celui du sang du mouton égorgé, celui des deux meurtres que le réalisateur a choisit de totalement cacher, à travers ces deux ellipses : deux blancs là encore.
Ces choix visent, selon mon interprétation, à montrer le dénuement : une vie dénuée de loisirs, de plaisirs et de confort, des âmes qui paraissent enfermées, pauvres de sentiments.
Même l'arme est blanche ....
Les rêves d'Aslan dans la scène finale, seront tantôt ultra colorés (la salle de jeux), tantôt ultra neutres (le lac impossible à traverser) : métaphore de la contradiction des ambitions cachées de ce pauvre ère devenu criminel ?
Les jeunes acteurs, notamment Timur Aidarbekov, qui interprète avec brio le personnage d'Aslan, sont, je trouve, extraordinairement bien filmés.
On y voit une alternance de gros plans sur leurs visages, montrant de près le contraste évident entre celui fermé, buté mais qu'on sent douloureux d'Aslan, un visage aussi captivant qu'inquiétant, et celui triomphant, souriant et moqueur de Bolat.
Les corps également, sont montrés sans fards, souvent jusque dans leur nudité (scènes de l'examen médical, du match, des douches), dans leurs actions, pour mieux montrer l’intériorité des personnages.
La lenteur aussi est propice au suspens de l'histoire. Le réalisateur prend son temps à montrer la concentration d'Aslan, préparant sa méticuleuse vengeance : ses bricolages experts, ses rituels comme ceux de la douche et du nourrissage de ses lézards, son extrême attention durant les cours. Des scènes qu'on savoure car on est tellement captivé , fasciné par ce personnage qui restera mystérieux jusqu'au dénouement, qu'on ne voit pas le temps passer (enfin, ce fut mon cas ...).
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films vus et revus en 2016, Je me suis essayé à la critique : hum, hum ! et La vengeance est un plat qui se mange froid
Créée
le 17 mai 2016
Critique lue 429 fois
4 j'aime
1 commentaire
D'autres avis sur Leçons d'harmonie
Comme un diamant, Leçons d'harmonie irradie dès les premières images. Cinéma pur, art narratif proche de la perfection, le premier long métrage d'Émir Baigazin est un joyau rare, une évidence. Aslan,...
Par
le 6 févr. 2014
9 j'aime
2
C’est d’abord un mouton qu’on égorge, puis qu’on dépèce, puis qu’on éviscère et qu’on désosse. Il y a du sang, de la peau arrachée, une carcasse suspendue dans le froid de l’hiver. Ça met dans...
Par
le 4 avr. 2014
5 j'aime
Quelle claque que ce premier long métrage d'Émir Bayğazin, réalisateur kazakh, sorti en 2014 dans les salles obscures françaises ! Je l'ai découvert totalement par hasard sur Arte (source de bien de...
le 17 mai 2016
4 j'aime
1
Du même critique
J'ai trouvé ce film très frais, et pas du tout surjoué. Laure Calamy y est formidable. Elle irradie tout de son sourire et de son naturel. Ses larmes et ses moments de désespoir sont émouvants. Elle...
le 20 sept. 2020
30 j'aime
22
Et oui, il aura fallu que le réalisateur disparaisse et qu'Arte passe en hommage ce film jugé culte par beaucoup de personnes, pour que je le découvre enfin. Mon avis est mitigé. J'hésite entre une...
le 22 janv. 2022
26 j'aime
15
Je sors de la séance depuis deux heures environ et je voulais juste écrire que j'ai été totalement bouleversée par ce film, voilà. Tout simplement, je voulais juste dire ça. Je n'ai jamais autant...
le 11 nov. 2018
25 j'aime
6