Il y a plus de trente ans, Ridley Scott réalisait un film d’heroic-fantasy. J’ai vu ce film il y a bien longtemps, aux prémices de mon adolescence, et j’en gardais plutôt un bon souvenir. Le souvenir d’un film magique, d’un
conte de fée pour enfants
bien mené et parfois surprenant. Aujourd’hui, la magie est toujours présente à l’image, un peu moins dans la narration.
La photographie d’Alex Thomson est magnifique de bout en bout, mettant en valeur des décors soigneusement choisis ou construits, toujours animés d’une vie, d’un souffle de beauté. De vrais choix de colorimétrie découpent les séquences et marquent les atmosphères : rouge est l’antre du diable, sombre est la nuit, colorée de mille touches la vie. Un intérieur champêtre nous rappelle combien Ridley Scott apprécie l’influence de la peinture hollandaise et de Johannes Vermeer en particulier. On pense évidemment à la photographie de son premier long, The Duellists, jusqu’à la présence aveuglante d’un projecteur en contre dans le cadre. La palette de couleur souligne
un naturalisme bucolique féérique
dans la première partie avant de céder la place à un film plus sombre. Dans l’ensemble, le réalisateur se fait plaisir. Cadre, rythme, mise en scène et artifices visuels et mécaniques, sans oublier le maquillage et les costumes : l’apparence de Tim Curry, le masque, les cornes, il incarne un démon splendide et impressionnant, imposant, fier et solide,
probablement le plus beau diable de cinéma !
Malheureusement, le scénario est bien plat, bien linéaire. Digne d’un film pour enfants, et même les productions Disney et Pixar d’aujourd’hui déploient des trames plus intéressantes. On ne tombe jamais dans l’ennui mais
l’histoire avance sans surprise, cousu de lumière blanche.
Les éléments de l’heroic-fantasy sont certes là : un elfe, deux nains, deux licornes, une fée et une sorcière. Ridley Scott a certainement lu JRR Tolkien, mais le film qu’il développe manque de complexité. Seule une scène joue de duplicité, sans être totalement fluide, une scène de danse macabre où la princesse de lumière passe de l’autre côté pour devenir la fiancée du malin.
Le jeune Tom Cruise y met du sien, c’est appréciable mais insuffisant. D’autant que Mia Sara rend sa princesse insupportable, et l’absence d’autres humains au milieu du bestiaire renforce la faiblesse narrative. Tim Curry donne un peu de relief à ce diable qu’il fait vivre, aidé par le masque, mais ce n’est pas non plus le méchant ultime. Tous manquent cruellement de partenaires, tant au niveau narratif que pour leur jeu, du coup restreint, sans envergure tant les interactions sont limitées.
Le charme opère encore, mais la légèreté du propos est vraiment dommageable : elle souligne un manque d’ampleur inhabituel chez ce cinéaste qui a toujours su allier le fond et la forme. Ici seule la forme compte, mais
l’amoncellement et la richesse visuels ne comblent pas la vacuité du propos.
Un conte de fée sans autre morale que le bien triomphe toujours du mal, un peu simpliste et sans enjeu sérieux, surprenant ou haletant. Définitivement, un film pour les dimanches pluvieux en famille, frissons garantis pour les tout petits uniquement.