Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Cinéma sans morale n’est que ruine de l’âme, également. Voici donc la tragédie de Leni Riefenstahl, qui, si elle était morte en 1938, ou simplement exilée à Hollywood, serait devenue l’une des plus grandes icônes du cinéma mondial. Danseuse, skieuse, alpiniste, magnifique actrice, géniale réalisatrice : voilà ce qu’on aurait retenu de Leni Riefenstahl.


Mais non, elle est restée auprès d’Hitler puis a prétexté qu’elle n’y pouvait rien. La Lumière et les Ombres démontre le contraire, évidemment. Ses contradictions et ses mensonges, et, au cœur, l’égo incommensurable d’une star ; une Kim Kardashian des Années Trente. Leni Riefenstahl ne peut pas être à la fois un génie et n’avoir rien compris de ce qui se passait autour d’elle.


Le film le montre très malignement, à base d’interviews d’après-guerre non coupés (montrant une Riefenstahl colérique et soucieuse de son image), d’extraits de talks-shows, de photos issues de ses archives personnelles, et de making of jamais vus jusque-là. Le documentaire découvre (comme on ôte un voile) le portrait d’une femme obsédée par l’Art et la Beauté, qui ne réfléchit jamais plus loin. On l’interroge sur le message du Triomphe de la Volonté, son panégyrique du congrès nazi de 1933 ? Il n’y en a pas, moi je filmais simplement ce que je voyais : je filmais le congrès, je filmais les Jeux olympiques, je filmais la Pologne en guerre…


Mais c’est comme par hasard sur ce dernier reportage inachevé qu’elle démissionne. En 1939, elle suit la Wehrmacht dans sa campagne de Pologne. Pour la première fois, elle est confrontée non plus à la beauté, mais à la réalité. Des soldats, des civils se font tuer. Et parfois même, selon ce documentaire, à cause d’elle. Suite à une directive de la cinéaste « Je ne peux pas filmer, avec tous ces juifs qui sont dans le plan », s’ensuit une méprise. Et une fusillade.


Le film se termine par un plan grotesque, mais qui résume sa personnalité. Presque centenaire, on l’installe dans un fauteuil pour une interview. Grande professionnelle, elle se préoccupe du cadre, des éclairages… Alors qu’elle y voit à peine, elle décèle une ride sur son visage (qui en compte des dizaines), mais cette ride-là, il faut absolument l’effacer au maquillage…


Filmer la beauté, la perfection. Jusqu’au cauchemar.


https://www.cinefast.com/?p=6774


ludovico
9
Écrit par

Créée

il y a 6 jours

1 j'aime

ludovico

Écrit par

1

D'autres avis sur Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres

Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres
Fenetre_sur_salle
9

Critique de Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres par Fenetre_sur_salle

Leni Riefenstahl est une actrice et réalisatrice allemande qui a créé des images iconiques dans les années 1930s. Elle réalisa notamment "Le Triomphe de la volonté", le célèbre film de propagande...

le 4 déc. 2024

1 j'aime

Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres
Foolly
5

Critique de Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres par Foolly

Ce documentaire n'est, il me semble, pas du tout adapté à des novices. On ne comprend pas bien qui est cette personne, qui l'appréciait ... très peu de contexte. Sans en demander des heures, justes...

le 29 nov. 2024

1 j'aime

1

Du même critique

Shining
ludovico
9

Le film SUR Kubrick ?

Après le flop public et critique de Barry Lyndon, Kubrick a certainement besoin de remonter sa cote, en adaptant cet auteur de best-sellers qui monte, Stephen King. Seul Carrie a été adapté à cette...

le 7 févr. 2011

193 j'aime

86

La Neuvième Porte
ludovico
9

Un film honteusement délaissé...

Un grand film, c’est quoi ? C’est un film qui passe sur NRJ12 (en VF mal doublée), qu’on prend au milieu, et qu’on regarde jusqu’au bout, malgré l’alléchant Mad Men S05e1 qui nous attend sur Canal à...

le 23 janv. 2011

58 j'aime

3

La nuit nous appartient
ludovico
4

Tragédie Grecque Post Moderne Shakespearienne ou... Batman et Robin ?

Au risque de me fâcher avec toute la critique post-moderne qui rôde aux alentours, sur le net ou dans la presse, La Nuit nous appartient est un film raté. Et la déception est d'autant plus grande...

le 15 avr. 2011

42 j'aime

2