Blanche-Neige et les 7 Cannibales
L'achat de ce film, à la va-vite, résulte d'une confusion momentanée dans mon esprit entre la riante Stalingrad (aujourd'hui Volgograd) et l'épatante Leningrad (St-Petersburg).
Cette confusion remonte au temps où j'avais appris en classe les prénoms des acteurs principaux de l'URSS. J'avoue que Lev Davidovitch Bronstein, Joseph Djougaschvili et Vladimir Ilitch Oulianov se sont légèrement mélangés dans mon esprit.
Doute conservé quelques minutes après le début du film car les panneaux d'indication n'étant pas traduits du russe, on aurait aussi bien pu m'annoncer "14 Avril 1912, au cœur de l'Océan Atlantique", que je n'aurais pas sourcillé d'un iota.
Donc je m'attendais à voir un film où les Allemands, pris dans le chaudron si bien décrit par Jonathan Litell dans "Les Bienveillantes", allaient en baver méchamment. Et finalement, ce sont les petits russes joueurs d'échec prépubères que l'on voit agoniser pendant 1 heure et 46 minutes.
Voyons la pochette de plus près :
"Le siège le plus long et le plus horrible de l'histoire de la seconde guerre mondiale !"
"872 jours de famine. 1.5 millions de civils tués. Ceci est leur histoire".
Autrement dit, on va avoir droit à des visages défaits, des silhouettes amaigries, des regards hagards et, et, et... des scènes de cannibalisme en pleine rue.
Le contrat est rempli, par le truchement du regard de l'anglaise Kate Davis venue faire un reportage, et qui se retrouve coincée dans la ville avec tous ses habitants. Personne n'entre, personne ne sort, et les vivres commencent à manquer cruellement. Les plus faibles tombent comme des mouches, et tout un chacun commence à regarder son voisin à la dérobée en imaginant le festin qu'il pourrait faire avec les parties les plus tendres de son anatomie.
En fait non, je vous mens, le film ne vire pas vraiment en "Nuit des Morts-vivants", mais plutôt en "Mère Courage et ses enfants", avec la journaliste en modèle de courage et de vertu.
Kate, avec l'aide d'une jeune russe policière, va tout faire pour sauver les gamins dont elle a incidemment la charge après la mort de leur mère. Quitte à réduire ses portions alimentaires et trimballer sa luge de fortune dans toute la cité pour trouver de l'eau. Elle croise des gens qui dépérissent lentement, qui essaient de survivre en s'exposant consciencieusement au froid toute la sainte journée.
C'est là que le bât blesse : comme on n'a pas vraiment fait attention aux personnages qu'on nous a présentés trop succinctement, on ne sait jamais à qui on a affaire. Lorsque Kate rencontre quelqu'un dans la rue en train d'errer dans la neige jusqu'au cou, les moments d'hésitation du spectateur à identifier le protagoniste gâchent l'effet de surprise et distraient des dialogues.
Mais le gros problème du film, ce sont quand-même les ellipses. On se sent pris dans un flou artistique constant quant aux événements, aux repères, à la temporalité. Impossible de discerner si une heure, un jour, ou une semaine vient de s'écouler entre les scènes. Si c'est volontaire, c'est bien vu bien que maladroitement traité, mais on dirait cependant que le film manque surtout de cohésion narrative.
Déjà que le décor blanc et la neige qui tombe sans discontinuer fichent un plomb pas possible, il aurait été appréciable qu'un peu d'action, de tension, vienne éveiller un peu l'attention défaillante du public.
C'est quand-même dommage de bâiller alors que cet épisode de la seconde guerre mondiale aurait pu retenir toute notre attention !
Spéciale dédicace à la scène improbable où l'Anglaise et la Russe parlent de leurs expériences "sentimentales" respectives en se mettant du rouge à lèvres et en dansant la farandole dans la chambrette. Ce qui était peut-être dans l'esprit du réalisateur un moment de grâce où la complicité féminine transcendait les frontières politiques et sociales se traduit par un bête "Martine à la neige" tout raplapla et grotesque.
Raté !