Dans les méandres de la cité new-yorkaise, "Léon" dépeint l'éclosion d'un complexe d'Électre tardif, incarné par la jeune Mathilda envers un sicaire taciturne, un nettoyeur de l'ombre. Cette œuvre cinématographique esquisse la rencontre fortuite de deux âmes esseulées : une enfant brutalement orpheline et un homme au passé nébuleux, hanté par ses actes, dont le sommeil n'est plus qu'une vigilance perpétuelle depuis son baptême sanglant.
Le protagoniste éponyme se révèle être un personnage aux facettes multiples. D'une rigueur quasi monacale dans l'exercice de son funeste art, il arbore néanmoins une candeur déconcertante hors de son domaine d'expertise. Cette dualité s'incarne dans son attachement presque puéril à un végétal d'intérieur, qu'il chérit tel un alter ego chlorophyllien, tous deux privés d'ancrage terrestre.
Au fil de la narration, la carapace de Léon se fissure, laissant entrevoir une sensibilité insoupçonnée. Il s'éveille à la possibilité d'un échange affectif, platonique et paternel, bien que son aspiration à l'enracinement demeure une quête inachevée. Cet éveil sentimental, tel un baume sur son âme meurtrie, devient paradoxalement son talon d'Achille. Son instinct protecteur envers Mathilda l'expose à des périls toujours plus menaçants, émoussant la lame acérée de son discernement professionnel.
Si Léon ne peut plus espérer s'enraciner, il se donne pour mission de cultiver le terreau fertile de l'avenir de Mathilda. Cette dernière, éprise d'une admiration sans bornes pour son protecteur, exprime un amour juvénile et absolu. Le tueur aguerri initie alors la fillette aux arcanes de son métier, sans jamais lui faire franchir le Rubicon du premier homicide.
Dans un ultime acte de rédemption, Léon transgresse tous ses préceptes pour soustraire Mathilda à ses bourreaux, sacrifiant sa vie sur l'autel de cet amour paternel nouvellement découvert.
L'épilogue du film nous offre une allégorie saisissante : Mathilda, plantant l'arbuste de Léon dans l'enceinte de son école, symbole d'un double enracinement. D'une part, la jeune fille peut désormais reconstruire son existence, délestée du fardeau de la vengeance, forte du souvenir d'un père putatif qui sut l'aimer et la protéger comme nul autre. D'autre part, c'est l'ultime enracinement de Léon qui s'opère, par le truchement de cet héritage végétal et mémoriel, perpétuant son existence au-delà de sa disparition physique.
Ainsi, "Léon" transcende le simple récit d'action pour devenir une ode poignante à la rédemption, à l'amour filial et à la renaissance, émergeant telle une fleur rare d'un terreau de violence et de solitude.