Alors que les derniers remakes lives de classiques Disney font grincer des dents (heureusement qu'on a des exceptions comme Peter et Elliott le Dragon), il serait bon de voir par quoi on avait démarré (avec Le Livre de la Jungle, qui aura donc connu deux remakes live par Disney) et en quoi cette version des 101 Dalmatiens diffère des productions récentes.


Est-ce que cela suit l'intrigue originale de manière plan-plan comme le Roi Lion ? Oui et non. Presque tous les événements du dessin animé sont repris, mais leur déroulement diffère. La confrontation finale n'a rien à voir, mais tout ce qui se déroule avant respecte l'intrigue originale, avec des variations appréciables et un nouveau contexte moderne. On ne peut donc pas vraiment dire qu'il offre une totale réinterprétation du scénario original qui justifierait à elle seule le visionnage. On pourrait même se demander ce qui justifiait ce remake live car contrairement aux productions plus récentes, il n'a pas l'excuse de l'exotisme visuel : il n'y a pas de jungle, pas de pays des merveilles, pas de Génie de la lampe, pas de bataille rangée. Juste des chiens, des maisons et de la neige.


Or c'est peut-être cet ancrage au monde réel, tout relatif qu'il soit, qui permet au format live de bien mieux fonctionner que dans les toutes dernières productions saturées de CGI. Ces films ne savent jamais trop sur quel pied danser, entre l'envie de s'éloigner de l'esprit propre à un dessin animé mais inadapté à du live, et celle de reprendre tous les éléments qui le constituent pourtant mais sans les adapter correctement. L'un des meilleurs choix opérés par ce 101 Dalmatiens, et qui sera heureusement repris pour La Belle et le Clochard, c'est de rendre les animaux muets. L'époque ne permettait pas d'en faire de pures créatures de synthèses ou d'animatroniques, à quelques courts passages près. Donc on a de vrais animaux, et c'est tout de suite bien plus agréable comme ça. En revanche leur comportement n'a rien d'animal. Leur dressage incroyable leur fait prendre des attitudes purement humaines, comme les amoureux qui se posent chacun leur tête sur l'épaule de l'autre. C'est très dérangeant au début, mais ça finit par participer à une dose d'absurde réjouissante qui n'aurait pas aussi bien fonctionné avec des images de synthèse. Le moment où un chien imite un kidnapping est très rigolo précisément parce que c'est un vrai canidé qui l'effectue, tout en nous permettant de comprendre ce qu'il explique sans dialogue. Toute la narration du film s'adapte donc à ce mutisme, ce qui lui donne beaucoup d'élégance et une valeur ajoutée significative par rapport à l'original.


D'ailleurs le ton a évolué depuis le dessin animé sans le trahir, et c'est aussi en ça que ce 101 Dalmatiens se distingue des productions qui reprennent l'aspect cartoon en le vidant de son fun. Ici on sent clairement l'influence de Maman J'ai Raté l'Avion, les brigands s'en prennent plein la poire lors de parties de cache-cache là où l'original évitait le plus possible la confrontation. Ici aussi le comportement retors des animaux est complètement humain, donc cartoon, mais cela participe à l'inventivité du film. Au lieu de miser les enjeux sur une exode périlleuse, le plaisir se joue sur la découverte des pièges qui attendent les bandits : là aussi on a cette valeur ajoutée qui manque cruellement à nombre de remakes Disney actuels.


Les 101 Dalmatiens a surtout réussi haut la main ce que la dernière adaptation d'Aladdin va lamentablement échouer : rendre justice à son méchant d'origine. Le Jafar de Guy Ritchie est horriblement déprimant, il n'a aucun charisme et n'inspire pas la moindre menace, tout le contraire du premier Jafar. En voulant l'adapter à du live, Guy Ritchie l'a rendu complètement nul et inintéressant. La comparaison fait vraiment très mal. Alors que cette erreur n'apparaissait pas dans les 101 Dalmatiens : Cruella d'Enfer était une vedette dans le dessin animé, elle le sera aussi dans le film sans toucher à ce qui fait son charme. Glenn Close et sa voix française Élisabeth Wiener y vont à fond dans la caricature pour assumer le personnage, et ça marche. Ses éclats de rire machiavéliques et ses crises de nerf font honneur à la version dessinée et c'est un vrai plaisir d'avoir une telle méchante, surtout pour secouer les autres personnages un peu trop gentillets. Il faut quand même se farcir une demande en mariage quelques heures à peine après que Roger et Anita se soient rencontrés, demande motivée par la simple idée que ce serait trop triste pour les chiens amoureux de se voir séparés : encore un peu de sucre dans votre sirop à la barbe-à-papa ? Devant cette pub pour de la lessive familiale qui nettoie plus blanc que blanc, ça fait du bien de voir débarquer la furie pour les titiller un peu, sa vanne quand Roger lui annonce que leur chienne est enceinte m'a tué ! Il est d'autant plus réjouissant de voir la tueuse d'animaux se faire proprement punir par ces derniers d'une manière qui met à mal son si précieux look, bien qu'il manque un vrai climax.


En réorientant le ton du film, Stephen Herek réussit à garder ce qu'il fallait du dessin animé sans faire de redite irréfléchie du style "exactement la même scène, mais en live et sans fantaisie". Si le récit n'est pas singulièrement réinventé, au moins sa réalisation offre un cachet à la fois véritablement nouveau et cohérent avec sa nature de live. Pas comme Aladdin qui prenait le pire des deux mondes en copiste, et probablement pas comme Le Roi Lion qui a l'air d'avoir fait pareil. Maintenant on croise les doigts pour que Disney en tire une leçon pour La Belle et le Clochard et pour Cruella.

thetchaff
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le 17 sept. 2019

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