Quand Egoyan maîtrise

Capable du meilleur (De beaux lendemains) comme du pire (Chloé), Atom Egoyan revient sur l'un de ses thèmes de prédilection avec ce film curieusement inédit dans les salles françaises. Inspiré d'un fait réel qui a remué l'Arkansas pendant plus de 10 ans, mêlant récit de deuil et chronique judiciaire, Les 3 crimes de West Memphis est une vraie bonne surprise.

On retrouve la maîtrise d'une mise en scène élégante au service d'un récit qui distille le climat d'un drame prégnant mais retord, complexe et insoluble. Mettant à jour les multiples dérives d'une enquête et d'un procès entendus d'avance, le film réussit à privilégier une narration sobre et nuancée quand d'autres auraient lancé l'artillerie lourde. On soulignera par exemple la manière dont Egoyan souligne les échanges de regards, les dialogues muets, les connexions invisibles.

Les 3 crimes de West Memphis prend alors la forme d'un long apprentissage du deuil et de l'injustice, ce qui semble précisément intéresser Egoyan. On saluera l'interprétation solide et habitée de Reese Witherspoon, la sobriété de Colin Firth et une pléiade de seconds rôles parfaits, Kevin Durand et Dane DeHaan notamment.

Si le film n'atteint pas la puissance de Mystic river, on peut cependant s'étonner qu'avec un tel sujet, une telle maîtrise et un tel casting, il n'ait pas eu les mêmes chances que Prisoners, par exemple. Ce serait oublier à quel point les voies de la distribution sont impénétrables.