Avec Les 3 Royaumes, John Woo s'attache à une page marquante de l'histoire de la Chine : la fameuse bataille fluviale de la Falaise rouge durant laquelle les deux chefs Sun Quan et Liu Bei brisèrent les intentions belliqueuses de Cao Cao, premier ministre manipulateur, qui tenait sous sa coupe l'empereur légitime mais fantoche des Han. Le film se base sur le roman historique de L'Histoire des Trois Royaumes de Luo Guanzhong écrit au XIIIe siècle, autant dire que cette histoire est légendaire puisque les faits rapportés ont eu lieu en 208. Une histoire qui continue à être lue et à faire rêver jusqu'à nos jours.
Pour retracer cette histoire, John Woo a bénéficié de moyens importants : les figurants sont nombreux – 1000 soldats chinois ont participé au tournage –, les décors grandioses et la version asiatique intégrale du film est sortie en deux partie dont le tout forme 4h40 de visionnage. Une version tronquée est sortie pour le public occidental. Je ne l'ai pas vue, mais elle doit certainement y perdre en qualité et en émotion.
Les 3 Royaumes c'est le récit de l'alliance mise en place entre les deux royaumes de Shu et du royaume de Wu et de la célèbre bataille de la Falaise rouge, mais c'est également une histoire d'où la dimension humaine n'est pas évincée. C'est ainsi que durant un entraînement militaire musclé, tous s'arrêtent pour écouter avec attention l'air de flûte d'un jeune garçon ou que l'on assiste à la mise à bas difficile d'une jument. Ce sont aussi des portraits d'hommes, clairement idéalisés, c'est une histoire de héros : de belles figures d'hommes nobles, courageux, loyaux. Et également de belles figures de femmes qui ont un rôle clé et ne sont pas traitées comme des pot de fleurs, ce qui est toujours appréciable !
Le film bénéficie d'une qualité d'écriture du scénario et de la réalisation. L'alternance du climat des séquences garde le spectateur de tout ennui. Se succèdent des séquences d'action, de tactiques militaires ou dramatiques et des séquences lentes, poétiques et contemplatives ou pleines de douceur, et encore des séquences qui mettent en valeur le quotidien et les relations entre les divers protagonistes. Sans oublier quelques touches d'humour bien dosées venant alléger cette rude histoire ainsi que des séquences magiques comme la caméra qui suit le vol d'une colombe, se dirigeant vers l'ennemi, sublime ! Il bénéficie également d'un très bon casting dont la présence du très charismatique Tony Leung Chiu-Wai, pièce majeure ici de la mise en place de l'alliance entre les deux Royaumes et de la conduite des opération militaires.
De Cao Cao symbolisé par le tigre ou des deux royaumes qui choisissent la stratégie de la tortue ; de Cao Cao qui compte une armée de 800 000 hommes ou des deux royaumes qui en comptent 30 000, qui va l'emporter ? Les plans spectaculaires se succèdent, que ce soit la pluie de flèches vue en plongée, la bataille entrevue à travers les pattes d'un cheval, le piège humain qui se referme vu en contre plongée, une autre pluie de flèches tirées par milliers sur les bateaux. Les corps volent, les lances s'entrecroisent, les braves sont invincibles, la poussière brouille les pistes quand ce n'est pas le brouillard qui fausse le réel, les cordes s'abattent, les bateaux criblés de flèches ressemblent à des hérissons, les hommes retranchés derrière leurs boucliers forment des figures aussi efficaces que celles des armées romaines qui à la même époque sont toutes puissantes en Occident et les bannières flottent dans un ciel lumineux ou par une nuit de lune. C'est un festival de trouvailles visuelles !
Avec ce film, John Woo fait un retour spectaculaire en Chine où il n'avait pas tourné depuis une vingtaine d'année et durant lesquelles il travaillait à Hollywood. Il ambitionnait de réaliser un film d'époque à la hauteur des blockbusters américains. Défi relevé haut la main ! Un film qui m'a littéralement captivée et éblouie !