(Critique contenant des spoilers pouvant potentiellement donner des indices sur la fin).


8 salopards, des chapitres, musique d'horreur, des blagues, du racisme, des morts, du dialogue, de la longueur, du sang, du quasi gore, des pistolets, un superbe casting, du suspens, des engueulades et de la neige... Tel est le programme du 8e film (9e si on ne regroupe pas Kill Bill Volume 1 avec le Volume 2) du réalisateur inégalable Quentin Tarantino.


Cette fois-ci, c'est dans une mercerie en pleine tempête de neige que 8 personnes se retrouvent pour passer la nuit, dont John Ruth qui doit emmener Daisy Domergue, une criminelle, à Red Rock se faire pendre, ayant croisé sur le chemin le Major Warren. Certains se connaissent, certains ont des liens entre eux, mais tout ne va pas se passer comme prévu...


Le long métrage s'ouvre sur de magnifiques paysages avec un thème excellent et prenant lors du plan sur la Croix : cela annonce le ton du film. Le travelling du chapitre 2 est très bien réalisé, jusqu'à l'arrivée à la mercerie avec le carrosse où le huis clos commence après une première demi-heure à demi-teinte. Le film comporte des séquences qu'on retient : notamment celle où L. Jackson rentre les chevaux sur le thème de The Thing : un auto clin d’œil réalisé par Ennio Morricone (déjà compositeur du film dont on trouvera également d'autres clins d'œils, mais pas seulement à celui-ci : notamment à la filmographie complète du réalisateur), ou encore celle de la rencontre des différents personnages "accompagnée" par Kurt Russel. Mais celle qui marque le plus, c'est bien sûr la scène du "braquemart", un peu osée mais drôle grâce aux percutantes répliques lâchées par L. Jackson.


On soulignera également la bonne idée du plan noir du chapitre 3 qui précède le début d'un "Cluedo", la façon dont est fermée le piano après le 1er mort dans ce même chapitre ou encore la narration du début du chapitre 4 (avec pour nous Français, la voix du présentateur de Tous en boîte, alors que c'était celle de Tarantino en VO : ils auraient dû la laisser telle qu'elle). Cette narration n'a cependant pas réellement de rapport avec le ton du film.


On retiendra aussi "l'intelligence" du scénario dans ce chapitre lorsque L. Jackson se la joue inspecteur. En revanche, la bande originale n'est pas vraiment extraordinaire puisqu'on a beaucoup trop de morceaux qui se ressemblent, et l'idée de mettre des dialogues dans cette BO est totalement inutile. Ce qui fait parler, c'est évidemment cette violence quasi omniprésente que beaucoup qualifient de gratuite (surtout envers la femme), beaucoup trop exagérée. En revanche, il faut souligner l'idée de la réalisation en 70 mm qui rend le film magnifique.


L'autre point important du film, c'est évidemment les dialogues. En presque 3 heures de film, la partie action est présente sur presque seulement 1 heure et le reste, c'est du dialogue. Alors, est-ce bien ? D'autant plus que ça et cette violence gratuite étaient les critiques faites par beaucoup de ce film. Alors certes, les dialogues sont omniprésents, mais ne gâchent pas le film. Tout d'abord, car ils apportent un véritable aspect humoristique avec quelques "punchlines" et car elles sont très bien écrites. On en retiendra quelques-unes d'excellentes.


Il est vrai cependant que le chapitre 2 est trop long et est là plus pour nous narguer de la part de Tarantino en disant "vous voyez, mes dialogues sont parfaits, rien n'est laissé". Mise à part ces points-là, le scénario réserve des scènes plus ou moins bonnes (celle de la lettre qui est prévisible, mais sympatique dans le chapitre 1), notamment ce final "chaotique" qui nous laisse sur notre faim.


En revanche, et c'est tout là, le génie du scénario : de nombreuses questions sont sans réponses ; de plus, on peut se faire différentes théories : notamment sur "qui sont réellement les 8 salopards ?", "Il y en a-t-il d'autres ?", "Qui dit la vérité, qui ment ?", "Certains personnages sont-ils réellement ce qu'ils prétendent être ?"…


L'autre aspect du scénario, c'est la présence de répliques qui annoncent le film (il fallait y penser !) ; elles sont très importantes pour la suite de l'histoire :

"C'est étrange qu'il y ait autant de monde dans un blizzard" (John Ruth, "le bourreau")
"Faut pas se fier aux apparences" (Joe Gage, "le cowboy")
"On dirait que la mercerie de Minnie va être très conviviale ces jours" (Oswaldo Mobray, "le Court-sur-pattes")
"Vous me traitez de menteur / pas encore" (Bob / Marcus Warren).

Le scénario se discute donc, et demande réellement à ce qu'on se pose les bonnes questions et une grande concentration. Néanmoins, l'idée de découper le film en chapitres est excellente.


Enfin, ce qu'il faut retenir, c'est ce casting parfait et ces personnages très bien écrits. Dans le chapitre 1, on commence à découvrir les 3 (+ le cocher) principaux : le major Marcus Warren (le chasseur de primes), campé par le magistral (comme toujours) Samuel L. Jackson, John Ruth, campé par l'excellent Kurt Russel, et Daisy Domergue, jouée par l'élément fort du film Jennifer Jason Leigh (qui méritait réellement de gagner l'Oscar tant sa performance est sincère).


Les gros plans sur les têtes des personnages apportent de la crédibilité, et les "mimiques" présentes chez certains d'eux, comme pour Tim Roth qui campe le bourreau, sont aussi très bénéfiques. Les autres personnages sont tous très utiles et excellents : le shérif Chris Manix (Walton Goggins), qui cache bien son jeu, Oswaldo Mobray (le "Christoph Waltz du film"), est plus que parfait et est très drôle. Sandy Smithers, "le confédéré", joué par Bruce Dern, très bien ici et qui nous fait poser des questions sur son silence, Bob "le Mexicain" par Demian Bichir, très drôle avec son accent, mais aussi très étrange, et Joe Gage, "le cowboy", par Michael Madsen, un autre élément fort du film.


Les tensions présentes entre les personnages et les interrogations qu'ils se posent se ressentent également chez le spectateur. Le fait qu'ils aient tous un lien entre eux est parfait, bien que prévisible dans ce genre de film. Les plus attentifs remarqueront certains éléments clés : comme le fait que les mimiques et la façon de parler bien trop parfaites ne sont pas crédibles pour un bourreau.


Lorsque les nouveaux personnages font leurs apparitions, annoncés au générique, on se demande d'ailleurs tout le long du film, quand apparaîtront-ils ?


On sourira plus à celui joué par le néanmoins comique Channing Tatum (c'est cependant bien trouvé). Enfin, certains morts sont meilleurs que d'autres, mais très bien faits.


Révélé plus tard, Kurt Russel a joué son rôle tout le long, même lorsque son personnage est mort, d'ailleurs assez rapidement. Ça se remarque facilement car il respire, mais c'est méritant.


J'ai donc plutôt adoré Les 8 Salopards, malgré un avis difficile à déterminer après un premier visionnage pas terrible (salle toute petite, siège pas confortable, tout 1er rang : obligé de lever la tête), tombant finalement sur un 9, puis un 8, un 7. Un second visionnage s'imposait et est réellement nécessaire pour tous (c'est ce qui m'a permis d'analyser comme je l'ai fait ce film) et s'est vu récolter un 10 puis finalement un 9. Parce que oui, ce vrai film de salopards vous fera poser des questions, peut-être vous choquera (moi non, pour ma part), vous ennuiera peut-être, vous agacera (pour moi, j'ai l'impression que Tarantino veut toujours en faire plus pour nous prouver son talent, mais bon, il l'est réellement).


Mais il faut bien reconnaître le génie du scénario et le casting irréprochable tant par les acteurs que par les personnages (mon préféré est Oswaldo Mobray, pour lequel Tim Roth est réellement irréprochable). Enfin, je critiquerai pour finir cette BO décevante pour ma part (les morceaux qui se répètent beaucoup trop). Ce qui est sûr, c'est que ce film ne laisse personne indifférent et fait l'objet d'un vrai débat et d'une critique complète au possible.


CinAdri, au plaisir.

26/05/17.

CinAdri

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