Le dernier film de Quentin Tarantino s’ouvre (sans parler de l’écran d’ouverture qui introduit la version longue) sur une séquence de course de chevaux, de diligence et de montagne enneigée.
Cette image est un trompe-l’œil (à l’image de tout le film), le cinéaste déjoue les attentes et prend à contre-pied le spectateur en ne lui offrant pas tout à fait les promesses que certains éléments semblaient annoncer. Créant un sentiment premier de frustration qui s’évapore peu à peu lorsque l’on perçoit un peu mieux les objectifs du cinéaste.
A l’heure actuelle tout le monde sait que Les 8 Salopards est un huis clos. Mais on pouvait souligner aussi auparavant les termes Western, Ultra Panavision 70, Ennio Morricone.
Western oui, mais western à l’arrêt, plus proche de Rio Bravo que de la Prisonnière du désert. Les costumes, le décor, l’imagerie sont bien là, mais l’intrigue peut très bien être rejouée dans un tout autre genre, du polar à la science fiction. Le mouvement aussi est présent, mais les déplacements dans le cadre sont rares, l’action passe essentiellement par le dialogue. Les mots, les échanges verbaux, créent des percées narratives, des échappées, qui ouvrent le métrage vers d’autres horizons, d’autres lieux, d’autres époques.
Ultra Panavision 70 oui, mais utilisation étonnante. Ce format exceptionnel, le plus large et le plus éclatant qui soit, n’avait été utilisé que 10 fois jusqu’à présent, pour des films épiques, ou d’une immense ampleur : La Conquête de l’ouest, Ben Hur, la Chute de l’Empire Romain,….
Un format pour capter la grandeur et l’immensité et la beauté des paysages.
Tarantino filme des superbes paysages enneigés, mais pas plus de 10 minutes sur 3 heures de bobines. Le reste du temps on est en intérieur, dans une auberge. L’horizontalité exceptionnelle de l’écran permettant de filmer d’une part ce décor étriqué comme un monde en soi : un nord, un sud, une vraie géographie ; d’autre part les visages des acteurs comme des paysages, un peu comme pouvait le faire Leone.
Morricone oui, mais un Morricone offrant une partition à des années lumières de ses compositions pour le western spaghetti. Une partition plus inquiétante, claustrophobique, davantage proche de son travail sur The Thing. Le compositeur a d’ailleurs inclus ici des morceaux non utilisés pour le film de Carpenter.
De The Thing on ne pense pas qu’à la bande son, Tarantino en fait une référence clairement affichée. Un mélange entre The Thing et Réservoir Dogs (déjà une relecture éloignée du Carpenter) avec une touche d’Agatha Christie. Ou une version longue de la scène de la taverne d’Inglourious Basterds.
Il s’agit donc d’un huis clos, dans lequel évoluent 8 personnages, les 8 salopards du titre.
The Hateful Eight c’est un peu l’apothéose de ce vers quoi le cinéaste a toujours penché : une montée en tension progressive liée à une construction narrative uniquement basée sur le dialogue et qui aboutie a une explosion de violence. Système dévoilant une triple épaisseur :
Un côté premier degré toujours aussi jouissif, le plaisir des mots, du jeu d’acteurs, de la mise en scène, du découpage, du graphisme,… Un grand film à l’ancienne mais dont chaque seconde porte l’empreinte de son auteur.
Une dimension historique et politique, certes en arrière-plan, mais qui raconte une nouvelle fois un pan de l’histoire de l’Amérique et ses répercutions contemporaines : essentiellement la place de l’homme noir et celle de la femme dans la société américaine.
Enfin, et avant tout, il y a ici une théâtralité plus que jamais mise en avant et assumée soulignant le vrai sujet du film : le trompe-l’œil, le faux-semblant, le jeu.
Que ce soit à travers la mise en scène (déplacement des personnages dans le plan, jeu outrancier des acteurs, utilisation du décor) ou au sein même de l’intrigue, tout est faux, tout est histoire de manipulation. Comme c’était le cas avec les 3 éléments précédemment cités.
Tarantino brouille les cartes et se réapproprie totalement les codes et les réinvente. Le western, le théâtre, l’opéra baroque, … il joue, et il fait ce que le cinéma a toujours fait : manipuler le regard, réinventer le réel, mentir pour faire ressortir une autre vérité.
Le film possède malgré tout des défauts. Je n’aime pas le jeu de Tim Roth, pas à cause de son outrance, mais car il joue et incarne son personnage comme s’il avait été écrit pour Christoph Waltz et ça ne marche pas.
On peut également souligner des dialogues, certains, moins inspirés qu’auparavant, moins percutants.
Enfin il y a des bizarreries au niveau du montage sonore. Certains choix de chansons sont étrangement utilisés et surtout interrompus avec des cuts ultra brutaux. Alors que le cinéaste a toujours été un des plus grands dans ce domaine.
Mais malgré ça je trouve, comme d’habitude, le résultat génial, follement excitant et passionnant.
Et découvrir le film dans la version voulue par le cinéaste, dans ce format exceptionnel, c’est le grand pied.

Teklow13
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le 2 janv. 2016

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Teklow13

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