C'est un mec qui rentre dans un bar et..

Au fur et à mesure que je pense au film après son visionnage, je me dis que c'est certainement l'un des meilleurs films de notre Quentin Tarantino. Pourtant il n’emprunte pas une voie facile. Celle du huis clos, de la fresque avoisinant les 3 heures, d’un tournage épique et d’une multiplication de personnages. Mais à la fois fondamentalement « tarantinien » et profondément nouveau, Les 8 salopards s’impose comme un classique en puissance.


Le réalisateur s'était forgé une réputation depuis ces derniers films sortis en salle, celle d'un gars disposant de dialogues coupants, enchaînant les récits aventureux, et le taux exagéré d'hémoglobine. Avec Les 8 salopards, ce cinéma achève sa mutation. Une mutation qui, étrangement, le ramène à ses débuts éclatants, ceux du déjà immense Reservoir Dogs. Mais cette fois, même s'il on sait d'où ressort ces influences, il ne s'agit plus simplement de rendre hommage, mais bel et bien de s'inscrire dans un courant cinématographique avec ce huitième film. Qui plus est, on sent comme un progrès chez le réalisateur, l'humour se fait plus affûté, les scènes de tirs aussi. Et pour la première fois dans un film de Tarantino, l'on peut voir un traitement d'un discours politique et social, celui de l'héritage de la violence, des fondations sanglantes d'une nation qui sort tout juste d'une terrible Guerre de Sécession, ainsi la haine entre blancs, noirs et mexicains, le sort réservé aux femmes. Si on a ajoute à cela des dialogues coupants comme des lames de rasoir, où aucune fausse note et aucune phrase ne semble en dehors de son sujet, Les 8 salopards devient un thriller incroyable, une chasse aux faux semblants et une plongée paranoïaque opposant les racines de la nature américaine. Il le fait brutalement, par la violence de certaines lignes de dialogue et par celle, extrêmement graphique voire carrément gore qui vient tacher l’écran. Mais il le fait également avec la sérénité du metteur en scène parfaitement sur de lui, maître indiscutable de ses outils d’artisan, enfin capable de véritablement prendre son temps.


Il fait durer ses plans, ils les étirent et ne jouent pas sur des effets faciles. Le film devient dès lors une véritable ascension de suspense qui s'accroît sans cesse, sans pause, avec un rythme très poussé dans la narration, pour ainsi exploser dans une fin juste époustouflante. Dans un décor quasi unique qu’il explore dans les moindre recoins, tout en y laissant des zones d’ombres utiles au déroulement de l’intrigue, il passe haut la main le terrible test du huis clos et ne tombe pas dans le piège d’une sorte de théâtre filmé. Alors évidemment, l’action est présente avec parcimonie, mais au même titre que l’humour elle est amenée avec intelligence et une forme de délicatesse. Et si Quentin Tarantino a plus ou moins toujours été un réalisateur imposant, voire impressionnant, cette maîtrise qui lui permet d’être serein et maître à bord, à tel point qu’il peut se permettre de livrer un film très grave, très noir et même pessimiste, témoigne d’une franche évolution chez l’artiste. On peut aussi remarquer qu'il a chosi de raconter son film sans réaliser de déstructuration du récit, à quelques scènes près, mais le film est globalement linéaire et cela n'enlève en rien la qualité du film.


Sa direction d'acteurs reste toujours aussi impeccable avec un Kurt Russel génial, une Jennifer Jason Leigh au meilleur de sa forme, ainsi que bon nombre de têtes d'affiches qui ancrent tous avec perfection leurs rôles à l'écran, la première place étant attribué à Samuel L. Jackson, tout bonnement immense, qui dispose de l'un des personnages les plus intéressants. Et on retiendra bien évidemment la composition du cadre qui reste toujours aussi soignée, qu'il s'agisse des plans larges sur les magnifiques montagnes enneigées du Wyoming, ou bien des gros plans sur les personnages discutant. Il y a quelque chose de très beau dans sa façon d’abandonner peu à peu les plans très serrés sur les visages des personnages au fur et à mesure que des relations se tissent entre eux, le cadre s’ouvrant tout en restant finalement très anxiogène.


Bref, Les 8 Salopards est une oeuvre majeur, un véritable coup de maître qui prouve le génie de Tarantino à revenir sur d'anciennes bases de son cinéma. Il s'agit d'une oeuvre noire et sombrement intelligente qui lui colle très bien, aussi bien que la mélodie presque horrifique de Morricone sied à ses images.

Guimzee
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le 7 janv. 2016

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