J'ai mis un temps fou à prendre du recul sur ce film et à réfléchir dessus. Je prends généralement mon temps quand je ne sais pas sur quel pied danser après une séance avant de le critiquer sérieusement et de rendre un avis. Ce processus me prend généralement 3 jours, il m'a fallut 3 semaines pour Les 8 Salopards. Parce qu'il est le premier film de QT auquel le plaisir de visionnage n'est pas jouissif, et où il a retourné cette sensation jouissive pour nous déstabiliser, nous confronter à une horreur que les américains oublient trop souvent: ce qui a fondé leur nation.


Oui, Tarantino a fait un film d'introspection, ce qui est rare pour être souligné. C'est même la première fois qu'il utilise son incroyable talent de formalisateur pour politiser son discours. QT nous présente les bases qui ont constitués les nouveaux États-Unis, ceux que l'on connait actuellement. Et il le fait dans un huit-clos horrifique, habillés de loin en western. Pour le mélange des genres, ça ne change pas. QT concentre dans ses personnages toute l'histoire haineuse de son pays, où chaque personnage représente une partie humaine de la nation, avec la proportion et l'historique de la population du pays. Tout y est, l'ancien esclave, le vieux séparatiste, l'ancien renégat qui fait maintenant shérif, le cow-boy qui n'a plus de boulot, la femme maltraitée et enchainée au destin de l'homme, etc... La particularité de ces personnages, leur point commun, il est dans le titre: ils ont tous une haine pour quelqu'un, une population. Et leur but est d'assouvir cette haine, et c'est uniquement dans le bit recherché de faire souffrir cet être haï que certains personnages vont retrouver un semblant de cohésion, alors que tout les opposent.


Tout le monde a critiqué le film sur sa durée pour soi-disant rien du tout. Au contraire, cette durée incroyablement longue de la phase d'exposition permet d'insuffler dans le film de Tarantino ce discours sur l'Amérique, de mettre en place les éléments qui définiront chaque personnages et bien sur de faire monter la tension dramatique autour du massacre à venir (je pense pas vous spoiler, on sait tous à quoi s'attendre chez QT). Et pour le coup, le bain de sang est plus qu'au rendez-vous. Il y a un réel point de basculement, le sang appelant le sang, et la maison Amérique va voir son plancher être maculé de sang par sa population s'entretuant. Les restes non exhumés de la guerre de sécession vont faire un carnage.


Et c'est cet aspect métaphorique de tout le film que j'ai eu du mal à percevoir. Ou plutôt, que j'ai perçu sans m'en rendre compte et en ayant du mal à croire que Tarantino ai fait ça. Le plaisir est là, mais il est terriblement malsain, impossible d'apprécier ce qu'on a sous nos yeux. Et c'est le but, après deux films a avoir extérioriser un fantasme de cinéma de tuer les tortionnaires de l'Histoire grâce à l'histoire, Tarantino remet les pendules à l'heure avec les 8 salopards, en sonnant la fin de la récréation. Oui c'était fendart de tuer Hitler et de faire d'un noir ancien esclave un cow-boy à la gâchette facile qui tue de l’esclavagiste avec panache. Là, il nous remet devant la figure l'horreur qui fonde encore notre société, et il le fait vraiment bien.

Yellocrock
9
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le 23 janv. 2016

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Yellocrock

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