C'est dans sa vacuité la plus totale, dans son faussé scénaristique le plus profond, dans son je-m'en-foutisme définitif des règles établies du cinéma français que l'on t'apprend à l'école que Les Acteurs puise son urgence, son génie idiot et toujours en mouvement, même à table. Pour quiconque prendrait le film au pied de la lettre, à savoir la grande rencontre géniale d'acteurs importants au service d'un scénario forcément génial lui aussi, arrêtez tout tout de suite et allez voir ce qui se passe d'intéressant du côté de Klapisch, vous pourrez peut-être récupérer quelques miettes rassies.
Les Acteurs, c'est la version Marque Repère la plus goûtue du cinéma de la Nouvelle Vague des années 60 dans laquelle on garderait même les cuivres jazzy, les perturbations de temps et de lieu, les répliques nonsensiques des acteurs qui se jouent (ou se déjouent, peu importe) du spectateur, le prend pour un con juste ce qu'il faut parce qu'ils sont, eux aussi, cons. Voire très cons. Savoir ce qui se passe dans la tête des acteurs est une question existentielle. Ils n'arriveront pas à y répondre, ils n'arriveront pas à se faire comprendre, les pauvres, Marielle en tête, génial au plus haut point dans ses accès de colère et sa voix menaçante, terriblement érotique.
Un acteur est censé dire ses répliques. Ici, c'est un florilège permanent sans réel sens. Les private jokes sur le pot d'eau chaude ou sur la dualité du personnage de Dussollier / Balasko sont inouïes. Les caméos donnent lieu à de grandes scènes, drôles la plupart du temps, ahurissantes tout le temps. Les Acteurs est un film ahuri, en colère, jamais résigné et confondant tout sur son passage. Peu importe qu'on n'y comprenne rien, il n'y a rien à comprendre. Ne suivez pas le guide, voyez-le si vous avez envie de le voir, c'est un film qu'on n'impose pas, il s'impose de lui-même et s'en moque éperdument.