Léa Seydoux en Mademoiselle Laborde, lectrice de la reine ; Diane Kruger en Marie-Antoinette, reine de France ; Virginie Ledoyen en duchesse de Polignac, grande amie et confidente de la reine : quel plaisir pour les yeux et l'imagination ! Si le film ne se résumait qu'à elles trois (telles que capturées par la caméra de Benoît Jacquot, dans le prestigieux décor architectural du Versailles de l'Ancien Régime), il vaudrait déjà le déplacement.
Les Adieux à la reine nous font vivre 3 jours-clés de l'histoire de France, les 14, 15 et 16 juillet 1789, tels qu'ils ont été vécus à Versailles par les habitants du château, lequel abritait alors la famille royale de France et sa cour, soit quelque cinq mille personnes. On les vit (du verbe "vivre"), de façon plus cadrée, à travers le regard de la lectrice de la reine et des relations qu'elle entretient avec celle-ci et son entourage immédiat. Et revivre ces trois journées (où tout bascule, où finit l'Ancien Régime, où commence la Révolution Française) de l'intérieur de Versailles (où se déroule tout le film, à l'exception des dernières minutes) du point de vue d'une jeune femme du peuple, une modeste jeune femme absolument sans le sou, mais néanmoins la lectrice de la reine (qui, pour elle, est tout, à laquelle elle est passionnément attachée, dévouée et à qui elle ne sait, elle ne peut, elle ne veut, rien refuser) et donc son intime (gravitant autour d'elle comme une de nos planètes autour du soleil), qui assiste à ces trois journées d'histoire, comme une petite souris assistant à une grande première mondiale (petite souris grise qui soudain, par la volonté - le "caprice" ? - de la reine, va jouer un rôle-clé à la cour de Versailles et même dans l'Histoire de France) est absolument fascinant. Via Sidonie Laborde (Léa Seydoux, plus belle, mieux photographiée et meilleure qu'elle n'a jamais été), on approche la reine (exquise, éblouissante Diane Kruger), on vit ses tourments, on partage ses affections (superbe et capiteuse Virginie Ledoyen en duchesse de Polignac), ses déchirements, sa colère, sa détresse ; on vit l'incompréhension accablée, mesurée, courageuse (haute noblesse oblige !) du roi Louis XVI, le réalisme lâche de ses frères (les Comtes de Provence et d'Artois) qui l'exhortent à l'exil, l'égarement de ses conseillers, ministres et autres hauts dignitaires de son gouvernement ; l'affolement de toute la cour versaillaise... juste avant que l'édifice fissuré du régime monarchique (une monarchie et un pouvoir absolus) ne s'effondre avec fracas.
Le scénario, la photographie, la mise en scène, les décors, la distribution, les costumes, l'ambiance, la musique, le montage des séquences : tout concourt à faire de ces Adieux à la reine un moment de cinéma inoubliable, un des grands films français de ces deux ou trois dernières décennies.
Bravo et merci à Benoît Jacquot, à son "brelan de reines" gagnant (Seydoux, Kruger, Ledoyen), à tous les acteurs (hommes et femme), à toute l'équipe technique, notamment le directeur de la photographie Romain Winding, et le compositeur Bruno Coulais. Ils nous ont concocté là un quasi chef d'oeuvre !