Il se dégage un lyrisme fort de cette œuvre et une puissance qui contraste avec l'apparente modestie des personnages que nous suivons, pauvres hères condamnés à quitter la terre qui les a vus naître. Parce qu'ils sont paysans, insulaires, qu'ils survivent dans une relative autarcie, on imagine difficilement des gens plus attachés à leur terre et donc leur choc lorsque la compagnie d'électricité annonce leur expropriation pour construire une centrale et leur relocation dans des HLM sans âme. Avec tout le tact des sauvages de la ville, les premiers ouvriers démarrent les travaux par l'exhumation des corps dans le cimetière du village, provoquant une première scène de révolte parmi ces paysans d'ordinaire résignés et taiseux.
La terre, les racines. Des métaphores qui reviendront à travers différentes images. Comme cet arbre auprès duquel on vient prier, qui sera tour à tour tronçonné, scié, incendié, noyé. Mais qui finira par renaître. Il faut reconnaître à Klimov, avec une admirable sobriété, cette faculté à convoquer dans ces quelques portraits d'hommes et de femmes tous les sentiments de l'âme russe, laborieuse, joyeuse, fataliste autant que superstitieuse.
Une œuvre magnifique autant que tragique, puisque sa coréalisatrice Larissa Chepitko et plusieurs membres de son équipe se sont tués dans un accident de voiture en se rendant sur le tournage. C'est son mari Elem Klimov qui poursuivra le tournage. Abnégation, encore.