Depuis longtemps que je voulais voir ce film, en plus c'est fait sur grand écran, que demander de plus !! (peut-être que la restauration réalisée par Paramount soit un peu moins éprouvante que celle-ci, à mettre des couleurs où il ne faut pas et des effets sonores très dispensables).
Surtout que cette œuvre est déjà tellement spectaculaire par elle-même que ça ne demandait pas de rajouter des bruitages de coups de poing et d'avions, les images incroyablement époustouflantes de Wellman (surtout pour cette époque) se suffisent à elles-mêmes. Il arrive à rendre à l'écran des plans bien plus impressionnants que la plupart des films à effets spéciaux numériques d'aujourd'hui, on arriverait presque à en regretter l'arrivée du numérique et ses surenchères d'effets spéciaux ; ici tout (ou presque) est vrai, pratiquement aucun effet spécial et pourtant c'est bien meilleur visuellement.
Parallèlement une histoire d'amour émouvante et un récit sur la guerre intéressant sont racontés, deux hommes amoureux de la même femme partant au front, tandis qu'une autre est éperdument éprise de l'un d'entre eux. Ces deux histoires (l'amour et la guerre) ont chacune leur importance, prenant place devant l'autre à certains moments pour se chevaucher très souvent, dans un montage très réussi à ce niveau-là. Nous voyons donc la tristesse de l'amour aveugle qui rend plusieurs personnes malheureuses et offre des quiproquos savoureux et dramatiques, ainsi qu'un constat à la fois affreux et héroïque de la guerre, tuant des milliers d'hommes (peu de choses sont épargnées au spectateur, avec de nombreux personnages qui tombent au combat, et de nombreuses scènes sanglantes, au sens littéral, pour un résultat saisissant de réalisme) et donnant la possibilité de grands moments d'héroïsme (et une séquence de remise de médailles assez pompeuse à mon goût). La guerre dans ce film est ainsi vue comme la grande faucheuse de tant de pauvres gens, mais aussi comme la cause de conséquences assez tristes (toute la séquence des bulles, bien qu'assez drôle, montre bien la déchéance du soldat fuyant la réalité dans l'alcool).
Un aspect qui est extrêmement intéressant aussi, bien qu'il puisse aussi être assez lourd en un sens, c'est le côté très hollywoodien de ce film. De nombreux codes que l'on retrouve dans nombre de films ultérieurs sont présents, créant une sorte de patient zéro, ici avec grand talent, mais qui est du coup à l'origine de nombreuses horreurs. C'est extrêmement bien réussi, la construction est excellente, les ficelles sont assez voyantes ceci dit (métaphoriquement parlant), ce qui fait que nous sommes impressionnés par la maîtrise de la mise en scène, mais aussi que ça peut paraître un peu lourd. Disons nous quand même que ce sont les copieurs qui gâchent un peu ceci, dans ce film nous pensons à des grosses machines d'aujourd'hui, mais il y a ici un bien plus grande sincérité.
Ce film est effectivement (en tout cas c'est ce qu'il m'a semblé) très sincère, Wellman nous raconte un côté très personnel de lui-même à travers cette histoire, délivrant sa version de la guerre et de l'amour dans une mise scène très hollywoodienne (ce n'est d'ailleurs pas étonnant que ce film soit le premier oscar du meilleur film de l'histoire, il y a tout ce qui peut plaire aux producteurs) mais vraiment bonne et intéressante.
J'aime aussi beaucoup la réflexion sur les apparences (entre autres) qui traverse ce film (le quiproquo amoureux évidemment, mais aussi la scène de combat aérien), les symboles un peu gros mais qui fonctionnent très bien (l'ourson oublié sur la table), et aussi et surtout l'humour qui ponctue très agréablement toute l’œuvre, toujours bien dosé et rafraîchissant. La mise en scène est excellente (en plus du côté spectaculaire, les bulles sont géniales, le travelling au-dessus des tables aussi).
Voilà donc une excellente découverte du muet, à voir absolument. Les effets spectaculaires incroyablement réussis pour l'époque balance le côté peut-être un peu trop hollywoodien, la sincérité et l'humour balancent les ficelles dramaturgiques un peu trop présentes.
PS : Clara Bow est craquante à souhait, mignonne comme tout, et la courte apparition de Gary Cooper laisse une sacré trace dans les esprits.