Le bon, le brave et l'infirmière

En 1929, la toute première cérémonie des Oscars dure à peine une quinzaine de minutes, et n’est même pas retransmise à la radio. Janet Gaynor, qui reçut le premier Oscar de la meilleure actrice (pour ses rôles dans « L’Aurore », « Street Angel » et « Seventh Heaven »), avoua d’ailleurs que la récompense ne signifiait pas grand-chose pour elle, excepté le fait de rencontrer Douglas Fairbanks, alors une superstar.


La cérémonie récompense toutefois un long-métrage de 1927, « Wings » du premier Oscar du meilleur film. Réalisé par William A. Wellman, il s’agit d’un film de guerre sur les débuts de l’aviation militaire pendant la première guerre mondiale, qui met en scène Clara Bow, star du muet.


À l’ouverture du film, nous faisons la connaissance de Jack Powell, un jeune homme bricoleur, qui rêve de voler. Avec l’aide de sa charmante voisine, Mary, une piquante demoiselle un brin maladroite, Powell apporte la touche finale au véhicule qu’il a bâti lui-même, "L’étoile filante". Au grand dam de la jolie Mary, Jack s’empresse d’inviter la femme dont il est amoureux, Sylvia, pour un premier tour.


Nous sommes en 1917, et les Etats-Unis s’apprêtent à entrer en guerre (et à aller donner un coup de main bien mérité à ceux qui les ont quand même pas mal aidés à se libérer du joug rosbif…). L’armée recrute donc tous les braves, en particulier dans la toute jeune division aérienne, un corps aussi périlleux qu’excitant (rappelons que le premier vol des frères Wright ne date que de 1903).


Jack s’engage donc naturellement dans l’aviation, ravi d’avoir une chance de voler. Un autre jeune homme de la même ville, David Armstrong, pousse les portes du bureau de recrutement. La veille du départ, tous deux font leurs adieux à Sylvia – qu’ils convoitent, même si la jeune fille a une préférence marquée pour David.


Les deux jeunes hommes partent s’entraîner, et bien vite à la guerre…


D’une durée assez conséquente (presque deux heures et demi), « Wings » est découpé en deux parties, qui sont inégales. La première est virtuose, la seconde est, malheureusement, longue et un peu chiante.


Tout le début du film évolue à un niveau proche du génie, et j’ai pour toute cette partie une tendresse infinie. La pellicule, teintée de jaune dans les scènes de jour et d’extérieur, possède le charme désuet immense des vieux films et du muet. Dès la première apparition du personnage de Clara Bow – un condensé d’1.61 m de charme et de provocation – le spectateur ne peut être que conquis par cette fille adorable et irrésistible. Tout le début du film est une succession de scènes, souvent mignonnes et drôles, mais toutes parfaites. Que ce soit le bricolage de la voiture, ou le running gag du second rôle Herman Schwimpf (El Brendel) qui prouve son patriotisme de manière véhémente, tout est excellent. Moi, j’adore les films ‘initiatiques’, alors forcément j’ai aussi beaucoup d’affection pour toute la partie au camp d’entraînement des futurs pilotes et mécaniciens.


Après ce début magistral (qui vaut 10, vraiment), nous sommes plongés dans le vif du sujet et de la guerre. Avec une maîtrise certaine, Wellman filme alors les batailles aériennes de la première guerre : c’est nerveux, crédible et dynamique, bien qu’une certaine lassitude puisse se faire ressentir. La première partie du film explore la relation entre Jack et David, qui, après une bonne bagarre, sont vite devenus les meilleurs amis du monde.


Après un ‘intermède’ qui coupe le film en deux, le ton est plus sombre, et le film devient mélodramatique. S’il y a encore quelques scènes absolument géniales – qui tiennent en bonne partie aux charmes de Clara Bow – on sombre toutefois dans une certaine répétition. Il y a tout un enchaînement de batailles aériennes et terrestres, et nous perdons la dimension de film sur l’amitié qui existait dans la première partie. À partir de ce moment-là, le film plaira surtout aux amateurs de biplans et de films de guerre. Personnellement, les avions ne me passionnent pas trop (d’où le choix très logique d’études supérieures dans l’aérospatial…), et j’avoue m’être un peu ennuyé dans toutes ces scènes de combats aériens.


Le final du film se veut émotionnel, mais est un peu longuet et insiste sur la guimauve. Bon, pour les amateurs de Clara Bow (dont je fais désormais résolument partie), il est satisfaisant.


Je me rends compte qu'il y a encore plein de trucs que je pourrais dire sur ce film, qui est vraiment charmant ! Sa production, qui a duré 9 mois, alors que les films de l'époque se tournaient généralement en un seul... L'apparition de Gary Cooper, qui se révèle et lance un peu sa carrière grâce à ce film où son charisme animal crève l'écran. Le petit père en a profité pour lutiner Clara Bow, qui flirtait sans vergogne avec l'ensemble des acteurs, et n'aimait pas trop ses costumes (elle a également insisté pour que son uniforme soit plus serré sur ses courbes). Et lors de la fameuse scène des bulles, le jeune Charles "Buddy" Rogers, âgé de 22 ans, qui était bourré à l'écran comme à la ville pour la première fois de sa vie (le bougre n'avait jamais bu d'alcool !). C'est vraiment un petit bijou du cinéma et je vous enjoins à le voir !!!


« Wings » est avant tout un film de guerre, sur les débuts de l’aviation de combat, qui illustre la précarité des conditions de vol de l’époque, et les moyens rudimentaires dont ils disposaient. Mais il se mêle également de plusieurs autres genres, et je le vois surtout comme une épopée sur l’amitié. Deux hommes liés par l’amour de la même femme, pour qui l’amitié est plus importante encore. Et, en cela, c’est assez touchant. Cela dit, il y a pas mal de longueurs et une deuxième partie malheureusement un peu ennuyeuse. Le début reste magique, avec une légèreté et un charme bon enfant.
Le film est à recommander aux amateurs de (vieux) avions, et à ceux qui aiment les (très vieux) films.
Et puis à tous ceux qui aiment les femmes en uniforme aussi…

Aramis
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le 1 juin 2015

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