Je trouve quelques uns de mes illustres éclaireurs un peu timorés pour ce qui m'apparaît pour le moment comme un des tout meilleurs Mizoguchi avec "La rue de la honte" et derrière ses chefs d'oeuvre "Les contes de la lune vague..." et "L'intendant Sansho", et ce malgré ses légers défauts, je ne le nie pas ils sont là, mais assez vite balayés par la réalisation pour ma part.
Certes, c'est assez classique et l'on devine quelque peu ce qui va se passer à partir d'un moment, avec de nouveau un petit côté too much comme dans "la vie d'Oharu femme galante", qui lui aussi est pourtant très solide. La situation de départ est une énorme suite de quiproquos malchanceux qu'il faut avaler. Pourtant, avec l'urgence de tout ce qui se passe, ça coule tout seul. La scène à venir où les deux fuyards découvrent fortuitement qu'effectivement, ils s'aiment, peut aussi sembler abrupte avec moult épanchements et autres pleurnichements qui de plus se renouvellent. Mais j'avoue, cela m'a semblé du détail. Il y a pas mal de personnages humbles et bons et de moments de compassion, d'entraide qui ajoutent une touche bienvenue de Kurosawa, un peu de baume au coeur surtout comparé aux personnages secondaires habituellement très durs et vénaux du réalisateur. Il reste tout de même un trio de fourberie masculine, principalement le grippe-sous des calendriers, et quel personnage !
C'est une belle et grande fuite désintéressée d'un couple inattendu face à la féodalité et ses règles absurdes, une fuite toute en rythme qui passe d'une scène à l'autre avec maestria. On retrouve de très belles fulgurances esthétiques dans la nature avec une nouvelle scène de barque magnifique. Oui, là aussi, ça s'épanche et ça pleurniche mais vraiment, c'est du détail. Il y a une dimension "épique" dans la variété de cette mise en scène qui embrasse une vaste peinture féodale au travers de l'intimité d'un duo que tout sépare, j'ai adoré traverser cette montagne et ce refuge chez le père par exemple, avec une économie remarquable de précision concernant les plans et cette échelle mystique plus présente encore dans "Contes de la lune vague..." m'a refait de l'oeil.
La belle boucle finalement bouclée comme dans "La vie d'Oharu, femme galante" mais en moins déprimant, "Les amants crucifiés" laisse une très belle impression d'achèvement proche de films comme "La nuit du chasseur". Bon, à part que ça s'épanche et ça pleurniche un peu plus peut-être. Mais c'est du détail et un très beau film du maître.
Comme le dit un de mes confrères en d'autres lieux, on se rapproche d'une ambiance de film noir avec une photo très dense qui fait des merveilles.