C'est au coeur du Japon féodal que Kenji Mizoguchi nous emmène avec Les Amants crucifiés où il met en scène la rencontre entre une femme délaissée et un employé du mari de cette dernière.
Pour ma troisième expérience avec le cinéma de Mizoguchi, je ne m'attendais pas à une telle claque. Ici le metteur en scène de Contes de la lune Vague après la pluie nous invite à vivre un mélodrame d'une rare justesse, intelligence et puissance et nous immerge dans une société où les conventions, inégalités et fossés entre les classes sociales peuvent empêcher un amour d'exister et privilégier les plus riches aux détriments des plus pauvres et des femmes. La force de l'oeuvre de Mizoguchi, c'est de jouer sur plusieurs tableaux où il met en place un mélodrame au coeur d'une critique sociale qui ne manque pas d'être pertinente, et juste, encore aujourd'hui.
D'abord une merveille d'écriture, Les Amants crucifiés met en scène des personnages passionnants, tant les protagonistes que les seconds rôles où chacun est consistant et apportera une importance au film. C'est à travers l'évolution de ceux-ci, tant personnelle que dans les rapports avec autrui, qu'il va peu à peu mettre en place son mélodrame et vision de cette société où sont récompensés ceux qui vont dénoncer les "fautes" telles l'adultère et punir très violemment ces derniers. C'est par l'illégalité que devra s'exprimer l'amour pur des deux protagonistes et devra affronter cette société et le vice des autres personnages. Le traitement parfois très manichéen n'est jamais lourd, bien au contraire tant il est écrit avec justesse et ne faisant qu'accentuer la pertinence des thématiques abordées et la mise en avant de cet amour pur.
La force de Les Amants crucifiés se trouve surtout dans sa mise en scène où Mizoguchi sublime l'écriture, met en place une ambiance d'abord un peu étouffante avant qu'elle ne prenne une dimension toute particulière et bien plus puissante, où romantisme et cruauté seront présents. Il fait ressortir toute l'émotion et la richesse de son récit, parfois à travers de simples regards ou gestes et trouve toujours le ton juste pour rendre son oeuvre bouleversante. Il maitrise tout à la perfection, tant dans les cadres que la direction d'acteur ou la photographie, et dépeint de puissants tableaux, sachant être à la fois cruel, poétique, beau et intense.
C'est en utilisant le contexte de la société du Japon féodal, dont il n'est pas difficile d'y faire un parallèle avec celle actuelle, que Kenji Mizoguchi livre une oeuvre bouleversante, à la fois puissante, lyrique et cruelle, d'une incroyable justesse, émotion et intelligence.