Un début prometteur, un développement hasardeux et une fin décevante, c’est ainsi que l’on pourrait résumer ce film dont, je l’avoue, j’attendais bien plus (on nous promettait après tout le nouveau "In the Mood for love").
Si l’on comprend bien le projet du réalisateur - tout à la fois rendre hommage à l’esthétique néo impressionniste des polars à l’ancienne, imbriquer considérations géopolitiques, conflits moraux et romance - le résultat suscite une certaine froideur. Les enjeux, individuels (le couple, le neveu) comme collectifs (le devenir du Japon, le militarisme), devraient pourtant nous faire vibrer, nous emporter, nous submerger dans un élan fusionnel avec les personnages, nous associer aux soubresauts troubles et douloureux de cette période de l'histoire du pays. Or, même si les mœurs japonaises privilégient plus que les nôtres une certaine réserve, je me suis senti tout au long du visionnage tenu à distance, relativement indifférent au sort du couple comme à celui de l’issue de la tentative d’espionnage.
Peut-être est-ce dû au côté relativement théâtral de la mise en scène qui se déroule le plus souvent dans des intérieurs léchés ? Peut-être cela tient-il aux acteurs, mannequins gracieux qui semblent plus souvent poser que jouer ? Peut-être est-ce le scénario lui-même qui à force de vouloir épaissir le mystère qui plane au sein du récit finit par nous désintéresser de sa conclusion ? À trop courir de lapins à la fois il n’en attrape aucun ?
Je pourrais arrêter là cette critique mais ce ne serait pas rendre justice au film. Malgré ses défauts qui pour moi tiennent en synthèse à un excès de formalisme esthétique, l'œuvre mérite le détour.
Le réalisateur fait en effet preuve d’une maîtrise bluffante de sa technique.
La caméra est toujours placée au bon endroit apte à capter les scènes intimistes, les gros plans et les intérieurs avec finesse et sens du timing. Les éclairages sont superbes et magnifiés par un chef décorateur soucieux du moindre détail. Le travail sur la profondeur de champs, habile alternance de flous et de plans nets, produit des scènes qui suggèrent de magnifiques tableaux. L’insertion des scènes volées (le laboratoire en Mandchourie) est impossible à qualifier (réel empreint de scènes d’époque ou habile contrefaçon ? ) Kiyoshi Kurosawa a du talent et sans doute une culture cinématographique riche.
L’introduction dans le récit - voire même sans vouloir trop dévoiler l’intrigue dans son épilogue - des petits films que tourne le couple est à la fois une bonne trouvaille scénaristique et un hommage fervent au cinéma. C’est sans doute, au delà d'une ode au pacifisme, le message essentiel du film : la beauté de cette forme d’art que constitue le cinéma et qui entraine les spectateurs dans les salles obscures.
Au final on quitte la projection sans l'évidence attendue d’une révélation mais avec le sentiment d’avoir visionné un bon film qui pourrait nourrir les écoles de cinéma.