Les Amitiés Particulières de Jean Delannoy, tiré du célèbre roman éponyme de Roger Peyrefitte, narre les amours "pures" et supposées platoniques d'un jeune homme avec un petit garçon dans un pensionnat jésuite dans les années 20.


Je passerais rapidement sur l'élégante et barbante platitude de la mise en scène et sur l'insupportable jeu du jeune Didier Haudepin - parfaite tête à claques et joli visage d'ange, véritable piège à pédophile - pour entrer directement dans le vif du sujet... et y pénétrer, bien à fond !


Le film a sans doute à l'époque, en 1964, du provoquer plusieurs sentiments: Il a pu évidemment apparaître absolument scandaleux de par la nature même de son propos et de son atmosphère homo-érotique assez troublante, mais il semble surtout probable qu'il ait choqué de par l'image de censeurs pervers et de manipulateurs ambigus attribuée aux prêtres "entourant" les enfants et adolescents. Il subit d'ailleurs des pressions de l'église catholique qui le mit à l'index et fut frappé d'une interdiction au mineurs.
Il a sans doute aussi pu apparaître émouvant pour certains en mal de reconnaissance ou de modèles homosexuels si rares dans le cinéma de l'époque, ce qui peut facilement se comprendre étant donné le contexte fondamentalement homophobe de la France des années 60...


Il a aussi malheureusement - et c'est une réalité - fait figure de caution pour toute une frange de la population dont l'image et les mœurs n'étaient pas alors aussi sévèrement condamnées et stigmatisées qu'elles le sont aujourd'hui: les pédophiles, pour lesquels ce film est l'objet d'un culte véritable mais pas forcément "très catholique", comme dirait l'autre !


En effet, il est tout de même bon de préciser que les amours entre garçons d'âges différents, y compris s'agissant d'un homme adulte et d'un très jeune homme étaient alors encore toutes embuées et auréolées des pires dérives des théories platoniciennes et que "l'initiation" d'un jeune homme par un adulte était encore un des prétextes très en vogue dans les années 40 à 70 (et même plus "résiduellement" jusqu'au années 80 et bien après, si l'on en croit l'oeuvre littéraire longtemps célébrée de Gabriel Matzneff).
C'est ainsi que les pédophiles se donnaient bonne conscience, qu'ils contournaient les tabous et ce double discours pouvait même être un argument efficace dans la manipulation des jeunes garçons. Je sais de quoi je parle, j'ai copieusement bouffé de toutes ces fumeuses théories ne visant finalement qu'à me farcir la tête.. et à me bourrer le c** au final... CQFD !
Peut-être donc pas si purs que cela dans leurs intentions, les bougres ?!...


Or, il me semble que pour un spectateur d'aujourd'hui, qui n'aurait pas cette "culture" des théories et pratiques ancestrales de "l'initiateur", le film n'est plus vraiment lisible dans sa vraie nature...


En effet, Jean Delannoy use et abuse tellement de l'ellipse et de l'euphémisme que ces amours enfantines pourraient finalement apparaître plus innocentes et pures qu'elles ne le sont en réalité et les vrais pervers désignés seraient alors les pères jésuites, qu'ils soient pédophiles ou non... mais qui - en tous cas - verraient le mal là où il ne se trouverait pas... pour faire court.
Or, point d'innocence ni de pureté ici, Delannoy, à l'instar de Peyrefitte, use de subterfuges malhonnêtes pour contourner la censure et donner à son film une odeur de sainteté tout en laissant libre cours à de biens douteux fantasmes.


Les scènes érotiques sont donc "subtilement" camouflées et cryptées... L'échange du sang ne se fait pas par contact des deux plaies ouvertes mais par la succion, telle un baiser, de la plaie sanglante du partenaire... on opposera la perversion libidineuse du prêtre joué par Michel Bouquet qui attire les garçons dans sa chambre la nuit pour leur offrir des cigarettes et de l'alcool en leur parlant de la Grèce... Et les jeux amoureux des deux garçons se limiteront à de furtifs contact de la main, à des roulades innocentes dans le foin... Et le caractère vraiment amoureux et sensuel ne passera que par le texte des billets doux que les jeunes hommes s'échangent mais qui évoque des baisers, des caresses... Le tout dans un établissement scolaire portant le nom de St Claude ! Un comble, non ?!...


Tout cela, pour finir, en prime par sombrer dans un mélo innommable destiné sans doute à émouvoir les foules naïves mais surtout à bien noyer le poisson afin que le spectateur lambda n'y voit que du feu, que les bigots soit heurtés juste ce qu'il faut afin que le film apparaisse un peu sulfureux et que, surtout, les amateurs de jeunes garçons puissent encore y trouver leur compte et y verser quelques larmes... ou quelque autre liquide plus séminal...
Sous ces aspects là, on peut dire que le film est une réussite !


Le roman de Peyrefitte présentait un écart d'âge de 2 ans entre les deux protagonistes... Georges avait 14 ans tandis qu'Alexandre en avait 12...
Or, ici, si l'écart d'âge est le même dans le scénario, certes, l'un est en 4ème, l'autre en seconde, il n'en est absolument rien dans le casting !
Le petit Alexandre, malgré les 12 ans et demi de l'acteur a plutôt l'air d'un petit 6ème de 10 ou 11 ans à la voix fluette et au visage de poupon tandis que Georges aurait bien sa place en Terminale avec un bon 17 ans au compteur et que l'écart d'âge à l'écran est vraiment très frappant, on ne peut le nier...
Et il est pour moi, très dérangeant... Ce qui était laissé à l'imagination de chacun dans la littérature est ici incarné en chair et en os et ne permet aucune ambiguïté...


Tout cela fait pour moi de ce film une œuvre certes subversive, mais parfaitement hypocrite et vaguement schizophrène, qui s'avance masquée et qui, avec le temps, pourrait même passer aujourd'hui pour avant-gardiste et audacieuse...


Or elle n'est pour moi que très médiocre d'un point de vue artistique et répugnante d'un point de vue moral en posant ainsi la pédophilie en image d'Épinal.


Pour l'anecdote, mais pas seulement, Roger Peyrefitte est tombé amoureux sur le tournage du film d'un petit figurant de 12 ans et demi qui jouait un enfant de chœur et il a entamé avec cet enfant une liaison (sans doute absolument pure, et totalement platonique, n'en doutons point...) de plusieurs années. Il avait alors 57 ans... L'âge du rôle ?
Alors, sachant cela, il m'est vraiment difficile d'avoir la naïveté requise pour croire en la pureté et la sincérité du propos du cinéaste comme de l'auteur...


Restent à mettre au crédit du film, tout de même, un certain courage à traiter d'un tel tabou, même si ce courage est copieusement entaché par une symétrique lâcheté due à son éblouissante hypocrisie...
Mais aussi et surtout la belle et émouvante performance de Francis Lacombrade, dont c'est apparemment le seul film mais qui - si on excepte la préciosité du jeu inhérent à l'époque - livre une composition très subtile et émouvante...
C'est bien peu, néanmoins...

Foxart
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le 8 août 2014

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