Dans la série je complète mes films de niche pour avoir une filmothèque estampillée "trop classe dans le salon", je me suis payé la version restaurée d'un antique classique des amateurs de zincs à piston. Avec Wings, introuvable aujourd'hui en video, Les Anges de l'Enfer constitue une sorte de must quasi mythique pour les films d'avions. C'est bien simple, depuis on n'a pas été capable de faire mieux au niveau des séquences aériennes. Oui, rien que ça. Wings est très bon et offre de belles séquences de duels aériens ; le film d'Howard Hugues est à bien des égards dément.
L'histoire nous permet de traverser la première guerre mondiale aux côtés de deux frangins très différents, pour faire simple un plein d'honneur et peu sûr de lui, un autre tête brûlée et coureur de jupon (oui, les bases du film de zinc semblent immuables depuis l'entre-deux guerre ...). Après un début en Allemagne, la guerre va arriver et les deux anglais vont s'engager dans les forces aériennes - Royal Flying Corps -, connaître les tourments de la guerre, des duels aériens, des messes, des beuveries, des femmes.
L'histoire en elle-même est plutôt classique et le trio amoureux a quelque chose de désuet. Oui, le film porte bien le poids de ces 80 ans. Mais, par fulgurance, j'ai été scotché et, pendant une bonne demi-heure démentielle, carrément ébloui. La restauration du film a permis d'incruster de nouveaux dialogues qui n'étaient pas dans la première version du film (muet à la base avant que Hugues ne reprenne son travail) et si le noir et blanc domine, la couleur a été utilisée pour les séquences de nuit ; l'effet bleuté passe très bien, les explosions et les gerbes de feu encore mieux. Alors pourquoi faut-il tenter l'expérience de suivre ce film de 2h10 datant de 1930 alors que nous avons la chance de pouvoir parler HD, 3D, pixels de folie, 5.1 DTS, hologramme, effets de la morts, explosions de planètes, raz de marée planétaire etc etc.
1 - Pour l'aspect subversif des scènes de Jean HARLOW. Cette femme, belle figure des années 30, porte des robes à décolleté impressionnant, pose dans des scènes suggestives au possible, branche tout ce qui dispose d'un entre-jambe potentiellement capable de servir de manche à balai : franchement, je ne m'attendais pas à autant d'ouverture. Le sexe n'est jamais là mais toujours présent.
2 - Pour la séquence du Zeppelin. Enfin un truc qui ressemble à quelque chose. Qu'il est loin, le cataclysmique Flyboy et son attaque de plein jour ! Là on a du vrai bombardement de nuit, de la tension lorsque le bombardier est pris en chasse par les britanniques puis, du délire. Pour sauver la bête on sacrifie tout, y compris les soldats qui se jettent de bon coeur dans le vide, pour le Reich et le Kaiser. Une exaltation du sacrifice assez terrible ; assurément on comprend mieux que le film fut mal reçu en Allemagne car montrant une image trop allumée de soldats allemands ... qui trois ans plus tard allaient devenir des soldats nazis ...
3 - Pour la bataille aérienne de plus de 20 minutes : tout y est. La séquence est dingue, tout a été filmé en réel, il y a des dizaines d'avions, les effets spéciaux sont excellents, oui, excellents. Ici un pilote crame, ici un gros plan sur les fils qui craquent et rendent ces coucous incontrôlables. là un pilote sort sa bouteille pour se prendre un lampée entre deux tirs, là un pilote éructe, là un autre hurle de terreur. A ce niveau je ne vois que la scène d'intro du Star Wars épisode III pour retrouver un tel ballet de mort aérienne. Grandiose. Je reste songeur sur tout ce qui a été fait depuis ... on n'a pas progressé.
4 - Pour les coucous : pas de pixels, on a retapé des antiquités, reconstruit à l'identique et avant ! Budget énorme de 4M de dollars, en pleine crise de 1929 ! 3 morts sur le tournage !! Howard Hugues était un vrai taré !
Un sacré moment de cinoche, à la fois désuet et terriblement moderne. Une oeuvre fondatrice pour le genre "film à avion", remasterisée avec soin.