Cinquième film du réalisateur hongkongais Wong Kar-wai, "Fallen Angels" (ou "Les Anges déchus") arrive juste après l'immense "Chungking Express" sorti en 1994. Sorte de suite à celui-ci, Wong Kar-wai le conçut comme le troisième et dernier segment de l'histoire de "Chungking Express".
En plus d'être un prolongement à "Chungking Express", l'on peut sentir un certain aboutissement formel à travers "Fallen Angels"; il est en quelque sorte un film-somme de Wong Kar-wai sur le plan de l'esthétique et de la photo.
Il signe ici avec une grande maîtrise technique, mais aussi une maîtrise sur le plan des thématiques abordées, un film d'une beauté plastique indéniable à la photo polychromatique, de son chef opérateur Chris Doyle, imprégnant la rétine à chaque photogramme, à chaque seconde. Sa réalisation se veut quasi expérimentale. Il tente des plans en noir et blanc combiné avec un step printing effect, souvent utilisé dans son cinéma, afin de, par exemple, nous encrer dans une bulle onirique où un Takeshi Kaneshiro sublime, presque hors de la diégèse du film pendant quelques minutes nous transporte dans sa rêverie où celui-ci est seul, rêveur, avec sa prétendue copine à ses côtés, tandis que dans l'arrière-plan une bagarre générale fait rage.
Les objectifs de très courtes focales et les différents mouvements de caméra font vivre les différents personnages d'une manière très efficace, avec sensualité, empathie et intimité, couplé à une beauté formelle saisissante.
La voix off, très présente chez le metteur en scène hongkongais, est toujours placée avec pertinence et nous rapproche encore plus des protagonistes.
La camera sait être virevoltante et dynamique quand il le faut, tout en ne négligeant pas la fixité. Mais Wong Kar-Wai sait aussi nous dépeindre un Hong Kong pré-rétrocession aux décors urbains, crasseux mais toujours filmés avec une classe, une grâce extraordinaire.
Un Hong Kong (bientôt de retour sous le contrôle d'un régime chinois liberticide) à l'image de ses personnages, finalement, emplie de liberté.
Wong filme encore la romance avec beaucoup de justesse mais avec une folie expérimentale en plus, du fait de ces protagonistes notamment.
L'amour y est charnel et souvent impossible pour certains des personnages. Cette quête d'amour qui traverse beaucoup de ses films est ici aussi présente.
L'on pourrait notamment citer "Nos Années Sauvages", où un jeune homme à femme, interprété par Leslie Cheung, est en quête de sa mère et d'un amour qu'elle ne lui a jamais accordée, ou dans "Happy Together" entre deux hommes, Tony Leung Chiu-wai et Leslie Cheung encore, où l'amour va les réunir puis les séparer, puis les réunir pour les séparer une dernière fois.