Comme un condensé de son travail formel, "Fallen Angels" ravive quelques questions sur le talent et les limites de WKW.
À commencer par : pourquoi aimer WKW ? (En dehors du fait que, oui, c'est BEAU). Voilà un cinéaste qui clippe à outrance et se pose en maître de l'artificialité, esthétique de pubard, filtres instagram, ralentis tape-à-l'oeil, montage très 2000. Un auteur qui se rapproche à priori plus d'Aronofsky que du ciné auquel on croit, celui qui va à contre-courant et prend son temps, étire les séquences pour réapprendre à regarder et résister à la pression télévisuelle.
Non, calmons-nous. Là où le montage aujourd'hui a tendance à détruire les personnages et leur épaisseur en voulant produire de la vitesse (vitesse de l'oeil, vitesse du récit), WKW fait acte de résistance à sa manière par la sensualité qu'il offre. Sensualité des corps, de la ville aussi, la pluie, le sang, les matières, il ancre ses hommes et ses femmes en travaillant la pellicule même, moins le rythme des séquences. (En ce sens il est nettement plus un oeil qu'une oreille).
De cette remarque découle aussi un reproche. WKW à force d'être presque trop prégnant visuellement semble s'être de plus en plus désintéressé du reste, de l'histoire, de ce qui n'appartient pas à la couleur, à la photo. Et ses films sont devenus plus ou moins des films muets (In the mood for love, 2046, etc). WKW sans le son, c'est souvent toujours WKW. Et on voit bien par là que le bât blesse. L'écriture est ici assez faible, bout à bout de séquences faussement improvisées. C'est encore plus choquant dans "My blueberry nights".
D'où cette idée que les films de WKW sont toujours trop bavards. Ils existent par leur image, comme les personnages existent par leurs corps, leurs mouvements, leurs expressions. Par leurs musiques aussi, bien entendu, il y a un art de la BO chez lui mais quand la stéréo s'arrête, que la pluie cesse, il y a comme un malaise. Et sa déclaration d'amour au cinéma via les séquences en vidéo dans la dernière partie n'y changent rien. À croire que WKW n'avait pas dans les années 1990 dix ans d'avance comme on a pu le dire mais plutôt soixante dix de retard.
---WKW héritier de Borzage ?!?!--- (il fallait oser)