Brisseau a une patte bien à lui qu'on retrouve dans tous ses films, et Les anges exterminateurs est la deuxième — et la meilleure — partie de sa trilogie consacrée au plaisir féminin. Du côté du sexe, on aura tendance à mettre en parallèle Brisseau à Breillat, avec un style très érotique des années 1970 avec des plans éloignés (≠ du porno gonzo), mais tout de même explicite et en fin de compte — quoique les deux réalisateurs s'en défendent — souvent à vocation masturbatoire. Mais ce en quoi Les anges exterminateurs se démarque dans la filmographie de Brisseau, c'est par son scénario de mise en abîme : Brisseau nous présente, par le biais de son personnage principal qui est son avatar, la difficulté pour un réalisateur masculin de gérer des actrices non professionnelles pour un film érotique. Le thème central n'est plus seulement le désir féminin et les relations saphiques, mais l'interaction entre un réalisateur et ses actrices, entre les désirs, les peurs voire les mécanismes de domination de l'un envers les autres, et vice-versa. Brisseau déshabille ses actrices, mais se livre surtout lui-même, avec ses contradictions de réalisateur sexué, qui pourrait facilement dériver en une espèce de gourou sexuel. Il ne touche pas ses actrices, certes, mais ne jouit-il pas à travers sa caméra ? Et les actrices à leur tour, à quel jeu jouent-elles ? Tout cela donne une réflexion sur la relation masculin/féminin et même sur l'art tout à fait inédite. Le film est renforcé par des acteurs aux charmes et à la personnalités fortes, qui en donne toute sa crédibilité. Le film soulève bien plus de questions qu'il n'y répond, et c'est là son intelligence (la fin est néanmoins un peu décevante). Ce film est en tous cas indispensable, et s'il a été mis sous le tapis c'est sans doute plus pour son propos sulfureux, risqué, dérangeant, que pour son manque de qualité.