Peut-être le réalisateur le plus largement sous-évalué, encore aujourd'hui, parmi les grands noms que nous ai donné le cinéma italien de l'après-guerre, Luigi Zampa, mériterait une bien plus grande reconnaissance critique et publique, et s'avère être parmi les cinéastes les plus enragés du néo-réalisme, comme en témoigne le film qui nous intéresse ici, Les Années Difficiles.
Sorti en 1948, soit trois ans après la fin de la guerre, Zampa nous montre avec ce métrage, l'évolution de la société italienne, allant des années 30, marqués par le fascisme, jusqu'à la libération par les forces américaines. Pour ce faire, le film adopte le point de vue du modeste fonctionnaire, Aldo, qui pour garder son emploi dans l'administration de la mairie de son village, va être contraint d'adhérer au parti fasciste, quand bien même il se refuse à se mêler de politique.
À travers la vie d'Aldo, Luigi Zampa nous livre un portrait peu indulgent envers la société italienne de l'époque, tout le monde en prenant pour son grade, à diverses échelles. Les Années Difficiles n'épargne personne, à commencer par Aldo lui-même, conscient des dangers du fascisme mais, fermant les yeux par conformisme. Vient ensuite sa femme et sa fille, complètement acquisent aux discours de Mussolini, par commodité pour la première et par endoctrinement pour la seconde, qui a suivi l'éducation prônée par le parti, et qui à son tour, enseigne ces préceptes à la jeunesse italienne.
Si la plupart des adhérents du parti sont montrés comme de vil lâches et volontiers délateurs, l'intelligentsia n'est pas en reste non plus. Celle-ci, représentée par quelques notables se réunissant chaque soir à la pharmacie du village, a aussi sa part de responsabilité, de par son silence et son inaction, bien qu'opposés aux idées fascistes. Prônant des idées progressistes, ceux-ci, tout comme Aldo, laissent alors par pure lâcheté, la jeunesse du pays se sacrifier à la guerre, ce que finira par regretter ce dernier dans une séquence finale amère et bouleversante.
Les Années Difficiles, commence ainsi comme une comédie plus ou moins légère tournant en dérision les travers de la société de l'époque, pour se terminer dans un drame terrible, achevant le parcours d'Aldo, qui s'il a survécu aux événements de son époque, n'a semble-t-il, plus rien à faire dans cette vie.
Au final, le film s'avère être à l'image de la filmographie de Luigi Zampa, qui au fil de sa carrière, fera des films de plus en plus sombres, passant de comédie néo-réaliste douce-amère, pour finir sur des films de genres extrêmement critiques, comme Les Maîtres en 1975.