À la manière d’un enfant pris sur le fait, je me sens comme tout penaud : « coupable » de m’être emballé, près de vingt durant, sur l’un de mes Disney supposément favoris, et découvrant aujourd’hui que la réalité est bien différente... sans aller jusqu’à la douche froide, fort heureusement. Car, oui, l’invariable poids de la nostalgie et des années auront embelli à loisir le souvenir des Aristochats, le long-métrage faisant montre de trop nombreuses faiblesses comme Merlin l’Enchanteur avant lui.
Pourtant, le plaisir de la redécouverte est lui indéniable : les facéties de Berlioz et cie. sont des plus attendrissantes, tandis que la malice maladroite d’Edgar en fait un antagoniste tout en nuances. Le long-métrage compte également de mémorables séquences à son arc, à commencer par le vaudeville cartoonesque qu’insufflent Napoléon et Lafayette, duo hilarant de son état mais non moins mordant (comme pourra en témoigner l’infortuné majordome) ; la signature musicale savamment jazzy confère également au film une empreinte inoubliable, le Paris d’antan se parant de ses plus beaux atours au gré de compositions aussi bien endiablées qu’élégantes.
On ne boude également pas son plaisir quant aux prétentions simplistes d’une trame bien rythmée, Les Aristochats nous réservant son lot de petites péripéties accrocheuses, d’instants de bravoure réussis et d’une bonhomie ambiante savoureuse. Mais, en sa qualité de dernier film « approuvé » par Walt Disney avant sa mort, celui-ci est bien en peine de vraiment surprendre, le studio aux grandes oreilles réajustant timidement une recette bien connue : à bien y regarder, l’intrigue n’est en effet rien de moins qu’un patchwork d’autres récits animaliers, les fameux La Belle et le Clochard et Les 101 Dalmatiens y transpirant ainsi par intermittence.
Pour le premier cité, la « réhabilitation sociale » de l’archétypal O’Malley lors du dénouement tient notamment du mimétisme flagrant (à l’image du tandem qu’il forme avec Duchesse vis-à-vis de Belle et son amant errant), tandis que l’aventure de nos félins huppés n’est pas sans rappeler le périple à travers champs des canidés tachetés du second... eux-mêmes menacés par un humain malintentionné. En-dehors d’éventuels autres parallèles pertinents, il est de toute façon évident que Les Aristochats tient davantage du divertissement sans réel relief, fort d’un survol sans véritable sérieux de thématiques malgré tout tangibles (tel le choc culturel).
Le ton y est donc des plus légers, dans la droite lignée d’une animation chaleureuse mais clairement en deçà de productions références de Disney (tels celles suscitées) : les élans parfois psychédéliques, en vue d’appuyer ses fameuses partitions musicales, de séquences hautes en couleurs marquent toutefois la rétine, et il faut bien convenir de l’efficacité du tout notamment via cet incontournable prisme comique.
Paradoxalement, Les Aristochats déçoit donc tout en nous régalant de ses nombreuses espiègleries, sa galerie fantasque s’attachant aisément notre sympathie là où le fond et la forme échoueront à nous surprendre pour de bon. Voilà qui rebat donc drastiquement les cartes dans ma rétrospective Disney, l’étiquette désuète mais non moins aguichante du « Meilleur Disney » restant encore et toujours à pourvoir... à moins que ce ne soit (au moment d’écrire ces lignes) bel et bien Peter Pan qui converse la palme : affaire à suivre.