-Président de la SOS Société : Je suggère de vous adjoindre un coéquipier. Vous serez deux. Alors messieurs, qui se porte volontaire ?
-Bianca : Je suis troublée. C’est trop gentil. C’est pour moi un choix bien délicat à faire. Je choisis… Monsieur Bernard comme coéquipier.
-Bernard : Moi ? C’est… parce que je ne suis pas très… non, c’est impossible parce que… moi je suis, je suis qu’un concierge.
-Président de la SOS Société : La belle et le concierge, miséricorde, mais quelle époque.
Les aventures de Bernard et Bianca est un remarquable et admirable dessin animé de la firme Walt Disney. Déroutant de par son ambiance lugubre et étonnamment dramatique où la magie et le merveilleux ont très peu de place. Une particularité étonnante qui en fait l'un de mes Walt Disney préféré. Une vision audacieuse pour une proposition aussi enfantine que mature, ne prenant clairement pas son public pour des imbéciles.
À la réalisation on retrouve une multitude de talent avec en premier le grand maître du genre Wolfgang Reitherman à qui l'on doit entre autres des oeuvres de taille comme Peter Pan, Pinocchio, Fantasia, Merlin l'enchanteur... il peut compter sur des pointures comme Art Stevens (Rox et Rouky, Taram et le chaudron magique) et John Lounsbery (Cendrillon, Dumbo), ensemble ils vont adapter les romans de Margery Sharp pour en faire une aventure techniquement pertinente que je considère comme l'une des plus originales et osées de la firme Disney.
Techniquement ce film bénéficie d'une mise en scène magistrale qui place direct une atmosphère forte avec une introduction dramatiquement singulière avec ses graphismes d'un marécage morne, glauque, et macabre, solidifié par des couleurs noirâtres et ombreuses subtilement organisées autour d'une petite jeune fille malheureuse, le tout harmonisé par des dessins superbement détaillés dans leur conception.
Les dessins autour des décors avec cet aspect peinture pastel apportent beaucoup de séduction à l'image, une magnifique performance artistique fait entièrement à la main qui envoûte et entraîne des émotions.
L'histoire bien que simplette s'avère des plus efficaces avec un traitement sur la maltraitance enfantine qui bouleverse. Heureusement Les aventures de Bernard et Bianca ne se limite pas qu'à cela. Le long-métrage délivre une aventure palpitante pleine de péripéties aussi drôles que dangereuses où les deux petits héros bravent tous les dangers pour secourir la jeune Penny. Un récit révélant un monde de souris amusant et réussi où celles-ci sont des protectrices (même des humains) grâce à l'organisation mondiale ''SOS Société''. Une fédération secrète réunissant des souris du monde entier pour secourir les opprimés.
Miss Bianca choisit d'elle-même cette mission, prenant pour équipier Bernard le concierge pas très courageux. Ensemble ils forment une équipe touchante apportant tous deux beaucoup de relief au récit, secondés par une multitude de personnages aussi originaux que marquants. Parmi les plus frappants, on retrouve l'antagoniste principale Médusa, une femme diabolique et cruelle secondé par son partenaire et souffre douleur Mr. Snoops ainsi que par ses deux crocodiles Brutus et Néron. Le trait de dessin sur le visage et la silhouette de Médusa méduse par cette apparence malfaisante.
En personnage secondaire on fait face à des profils réellement amusants et caractérisés comme avec mon préféré, la libellule courageuse en mode Fast and Furious ''Evinrude'', ou encore Orville l'albatros empoté, ou Luke l'alcoolique avec sa boisson abrasive et corrosive. Reste plus que la pauvre Penny, une petite fille orpheline particulièrement touchante. Mention spéciale au vieux chat à lunettes avec ses grosses moustaches de l'orphelinat, Rufus qui va aider Bernard et Bianca à retrouver Penny. J'aime beaucoup ce personnage, cette aura de vieux sage qui lui est conférée.
-Rufus : Ecoute, c’est un connaisseur qui te le dit. Y en a pas de plus exquise que toi.
-Penny : Non, je ne suis pas jolie.
-Rufus : Mais si. Un jour, une maman et un papa vont venir ici pour trouver une ravissante petite fille. Et c’est toi qu’ils choisiront.
-Penny : Tu es sûr ?
-Rufus : J’en suis certain, par mes moustaches ! Mais tu ne dois pas te démoraliser. Crois en ma vieille expérience. Vois-tu cet oiseau bleu ?
-Penny : Oui je le vois.
-Rufus : Et bien, l’espoir, c’est comme cet oiseau bleu. On l’aperçoit de loin, il est dans le ciel tout comme l’étoile du Berger. On ne peut ni l’acheter, ni l’enfermer dans une cage mais il est là tout de même. Et grâce à lui, un jour, tout s’arrange.
Un point que j'aime particulièrement, le manque de mélodie chantée par les personnages. Une seule chanson est chantée par la SOS Société, mais c'est justifié par le fait que c'est un hymne qu'ils chantent en début de chaque réunion. Pour le reste les chansons sont, comme dans un film normal, distillées en fond d'image ce qui améliore et approfondit clairement l'expérience dramatique, rendant le film moins enfantin (rare pour un Disney). Néanmoins les chansons en fond d'images sont de qualité et particulièrement empoignantes, surtout celles exprimant les lamentations de Penny.
Enfin je terminerai par les nombreuses actions du long-métrage qui sont excellentes, aussi drôle que stressant, comme avec les décollages hilarants d'Orville, l'attaque de Brutus et Néron contre Bernard et Bianca dans l'orgue, les nombreuses courses-poursuites avec Envinrude et ses ailes motorisées, ou l'inquiétante plongée dans le trou de l'oeil du diable avec sa petite tonalité horrifique nuancée par une musique inquiétante et des torrents d'eau contrastant avec les squelettes.
CONCLUSION:
J'adore Les aventures de Bernard et Bianca avec ses dessins marquants des lugubres décors des marais, amenant une ambiance étrange ainsi que son récit touchant et comique traitant d'un sujet grave: la maltraitance. Des chansons utilisées de manière beaucoup plus pertinente que la plupart des dessins animés Disney. Pour finir des personnages qui sont tous plus originaux, marquants, méchants et farfelus les uns que les autres, conférant une belle matière finale.
Une aventure qui émerveille autant les enfants que les adultes.