Pour moi, c'est une comédie nouvelle d'un genre nouveau, qui pourrait faire rappeler les travaux de la Vipère Noire de Rowan Atkinson, une grande saga diffusée sur la 3 à une époque. La Vipère Noire descend elle-même de certains films montypythonesques - toujours à mon sens.
Par conséquent, c'est tout un travail de distanciation qui est à l'oeuvre (sans jamais sortir du film cependant). Un travail qui pourrait se traduire comme suit : fatigués des comédies grossières, potaches, brouillonnes ; fatigués aussi de voir arriver chaque vanne et chaque chute dans des comédies qui rentabilisent de manière inhumaine le rire, Kamelott est née avec l'intention de chasser tous ces préconçus antishakespeariens.
Parfois drôle, parfois triste, l'humour de Kamelott se sert de la misère du monde, des êtres humains pour rire et de l'ironie du sort pour attrister. Et pour que cela reste bien intentionnel et maîtrisé, le jeu pour le comédien est très délicat et je trouve que c'est appréciable personnellement. Toujours mi-figue mi-raisin, l'expression du visage sert beaucoup pour donner le ton de la scène, quitte à être caricatural. Le but, aura-t-on remarqué, ce sera de toujours se regarder jouer (comme chez les Monty Python) tout en jouant, tout en passant d'un registre à l'autre.
Pour nous, spectateurs, nous regardons alors deux films en même temps. Non seulement, on se moque des codes qui font les film de capes et d'épées (que je hais tant, soit dit en passant) : costumes ridicules, mises en scène, cascades téléphonées, manichéismes et autres éléments outrageants pour tout cinéphile. Mais Philibert est également un vrai film où les scènes sont à chaque fois une surprise : soit elles sont sérieuses, soit elles sont à vocation comique, soit elles glissent du sérieux au comique - l'inverse étant assez plombant si on veut garder le ton dynamique de la comédie.
Toujours est-il qu'il est ouvert un monde nouveau et toute une palette émotionnelle pour la comédie française. C'est pourquoi je qualifie Philibert de néo-parodie, de parodie nouvelle qui veut offrir un spectacle de qualité. Ce n'est pas parce qu'on veut se moquer des genres qu'il faut tomber systématiquement dans leurs indigences présupposées.
Il se pourrait que Philibert ait failli car son héro, hétéropuceau candide, et le ton général du film font que, dès le départ, la mort du père n'est pas pris avec sérieux (mais il est possible qu'une telle chose aurait été difficile à mettre en oeuvre sans affecter le rythme du film).
Pour moi, Phiphi fait parti de l'histoire du cinéma pour toutes ces raisons savantes. Derrière Philibert, il y a certes Sylvain Fusée que l'on a retrouvé dans la série Working Girls qui, peu importe que l'on aime ou pas, c'est du jamais vu, mais il y a surtout Jean-François Halin - et tu vas voir que tout se recoupe : auteur des Guignols de l'info et de 7 jours au Groland, il a travaillé sur Rire et Châtiment puis sur les deux volets d'OSS 117 avant de travailler sur Philibert. Ce monsieur est un fin gourmet de l'humour qui joue tantôt sur les codes, même ceux de la parodie elle-même, pour les détourner vers d'autres tonalités, d'autres compositions. Il a franchi à mes yeux une étape supérieure sur le long chemin de la conscience humaine qui se fout de sa propre gueule. Quentin Dupieux utilise et travaille beaucoup cet humour, et à mon sens, dans certains de ces films (à commencer par NONFILM), il franchit encore une étape supplémentaire et pose délibérément, effrontément une question fondamentale à son propre film : "y'a-t-il une histoire pour mon film ?"
The "Bon Roi Dagobert" is over.