Trois histoires se télescopent dans les "Aventures de Rabbi Jacob" :
Le mariage de la fille de Victor, bourgeois français catholique, raciste et xénophobe. La Bar-Mitsvah du petit-neveu de Rabbi Jacob venu spécialement de New York. La lutte de Slimane, un opposant au gouvernement d'un pays arabe, exilé en France, face aux services secrets de son pays.
D'entrée, le film positionne parfaitement le contexte du personnage de Victor. Après s'être emporté contre les touristes étrangers anglais, allemands, belges et Italiens dans un embouteillage, Victor discute avec Salomon, son chauffeur, et découvre qu'il est juif avec sa cultissime réplique
Vous êtes juif ! Comment ? Salomon, vous êtes juif ?
Tout ce petit monde va s'interpénétrer créant un grand nombre de quiproquos qui sera la base comique du film. Car Victor et Slimane vont se trouver à la place du rabbin new yorkais et de son adjoint. Les barbouzes arabes qui poursuivent Slimane vont être confondues avec les flics français appelés à la rescousse. Mais la situation la plus incongrue, c'est quand même un français raciste contraint de se déguiser en rabbin juif et de faire équipe avec un arabe.
Comme c'est traité sur un mode léger, qu'il n'y a aucun jugement de valeur, que ce n'est pas du tout sentencieux et encore moins honteux, le résultat est là : ça passe.
Entre le "le peuple aime qu'on lui mente", le "quoi, c'était Farès ! c'est effarant" ou "rendez-moi mon voile", on ne compte plus les répliques culte sur toutes sortes de sujets politiques, sociétaux ou religieux.
D'un point de vue des scènes marquantes, je retiendrai pour leur caractère jubilatoire énorme les scènes dans l'usine de chewing-gum ainsi que celle de la rue des Rosiers.
Ce qu'il y a de bien dans ce film, c'est que le comique ne se fait jamais aux dépens d'une catégorie de personne. Le brassage des personnages fait qu'ils sont finalement tous sur un certain pied d'égalité. Cet exercice est d'ailleurs important car il prédispose à installer un esprit de tolérance dans le film.
Le choix du casting par Gérard Oury est très judicieux. Il brasse, là encore, les populations d'acteurs. Parmi les tueurs (= les barbouzes), les têtes d'affiche ne sont pas arabes mais on y compte un juif (Gérard Darmon). Parmi les personnages juifs principaux, Henri Guybet ne l'est pas.
Quant à Louis de Funès, il domine bien sûr la distribution. C'est sa dernière collaboration avec Oury. Dans ce film comme d'ailleurs dans "le corniaud" ou "la grande vadrouille", je trouve que le cinéaste parvient bien à le maîtriser. Ce qui est très appréciable. Et l'idée de lui attribuer une épouse différente de Claude Gensac avec Suzy Delair me parait pertinente et casse l'image habituelle.
J'aime bien aussi trouver l'inénarrable Piéplu dans le rôle d'un commissaire sérieux et opiniâtre mais gaffeur.
Au final, j'ai vu ce film un nombre incalculable de fois (télé puis cassette vidéo puis DVD) toujours avec le même plaisir à attendre les bonnes réparties du film jusqu'à la chute inattendue et belle …
Je considère que ce film est précieux. D'abord, le film est sorti dans un contexte politique mondial très particulier puisque venait d'éclater la guerre du Kippour en octobre 1973. Contre toute attente, ce fut un grand succès. Aujourd'hui, où les crispations dans notre société sont de plus en plus nombreuses, je ne suis pas sûr du tout que ce film puisse être tourné et encore moins sortir.
Et pourtant, même si le premier objectif du film est certainement le divertissement, j'aime beaucoup la poignée de main sincère entre Henry Guybet/Salomon et Claude Giraud/Slimane …