Paris, 1911. Par des méthodes occultes, le professeur Espérandieu ranime un ptérodactyle dans son œuf au musée du Jardin des Plantes. L'animal s'envole et tue plusieurs personnes. C'est à l'inspecteur Caponi qu'échoit l'enquête...
En Égypte, la journaliste et romancière à succès Adèle Blanc-Sec recherche la momie d'un médecin de Ramsès II. Elle veut la faire ranimer par le professeur Espérandieu et lui faire soigner sa sœur gravement malade depuis plusieurs années...
La demoiselle, le dinosaure, l'inspecteur, le professeur et bien d'autres personnages tous aussi atypiques les uns que les autres verront leurs routes se croiser d'une manière pour le moins... extraordinaire !
Je lis Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec depuis presque 30 ans, c'est dire combien j'en suis fan. La retranscription qu'y fait Jacques Tardi du Paris du tout début du siècle dernier s'étoffe de nombreux éléments devenus classiques de la littérature de genre, c'est-à-dire populaire : ambiance polar, savants fous, créatures monstrueuses et sectes satanistes, entre autres, s'y trouvent combinés d'une manière originale et bigarrée qui joue pour beaucoup à donner de la personnalité à cette série, notamment à travers un personnage pour le moins inhabituel au milieu des années 70 ; car si les héroïnes devenaient à l'époque de plus en plus nombreuses, Adèle Blanc-Sec avait ceci de particulier qu'elle vivait ses aventures en un temps où le machisme était encore roi.
Sorte d'héritière de Georges Sand – à la fois par sa profession d'écrivain et son caractère bien trempé – elle présentait ceci de particulier qu'elle agissait surtout pour son propre compte, au contraire des autres héroïnes de la BD d'alors qui œuvraient plus ou moins volontairement pour la justice. Plus anti-héroïne qu'autre chose, donc, Adèle se trouvait bien malgré elle propulsée dans toutes sortes de péripéties à travers lesquelles Tardi dressait le portrait pour le moins corrosif d'un temps peut-être un peu trop plébiscité par les nostalgiques : celui où les femmes n'avaient pas encore le droit de vote, où la peine de mort était toujours appliquée à tire-larigot et où les nationalismes allaient amener le monde vers cette guerre qui n'a eu de « grande » que le nombre de ses victimes...
C'est entre autre pour cette raison que cette adaptation m'a déçu. Car j'ai eu du mal à trouver un rapport avec le travail de Tardi – ce qui n'est plus vraiment surprenant de la part du cinéma, mais à ce point-là peut-être que si finalement. L'introduction d'Adèle, par exemple, rappelle beaucoup moins l'écrivaine pleine de charme et de classe qu'un Indiana Jones franchouillard – et féminin, bien sûr – mais la qualité des décors et des effets spéciaux en moins... Au final, l'aspect en quelque sorte orienté action collé ainsi au personnage tout au long du film évoque plus Lara Croft qu'Adèle Blanc-Sec. C'est-à-dire une image typique de notre présent, où le féminisme a été transformé en caricature jusqu'à aboutir sur un autre type de phantasme masculin – et donc l'antithèse du féminisme. (1)
Quant au reste du film, si on y trouve bien les personnages et leurs noms, les lieux et l'époque, une momie et un ptérodactyle, l'ambiance reste trop loin de celle de l'œuvre de Tardi pour pouvoir établir un lien entre celle-ci et son adaptation, en dehors des menus détails déjà cités ; et même pour du Besson le rythme est bien trop mou pour capter l'attention sans un réel effort de la part du spectateur. De plus, l'ensemble lorgne vers un comique qui devient hélas vite lourd, notamment en tombant dans une espèce de burlesque grand public sans aucun rapport avec ce Grand Guignol typique de l'époque et dont on retrouvait – avec plaisir – des senteurs plus ou moins prononcées dans la création originale de Tardi.
J'ai néanmoins apprécié que le scénario s'éloigne franchement de celui du premier tome de la BD : la volonté de se réapproprier l'œuvre en proposant une intrigue différente était bienvenue ; hélas, le résultat est bien trop différent pour correspondre vraiment au travail de Tardi, et le « simple divertissement » qui en résulte – et qui est un choix de réalisation tout à fait respectable – n'est pas vraiment divertissant non plus en lui-même. À moins qu'on ait vraiment rien de mieux à faire de son temps, ce dont je doute.
Déception, donc... Besson se rattrapera peut-être dans la suite, si celle-ci voit le jour, mais j'en doute aussi – qu'elle voit le jour, puisque je n'ai pas entendu dire que ce film faisait un score plus qu'honorable au box office, mais aussi que le réalisateur se rattrape, parce que depuis le temps je commence à le connaître...
(1) les lecteurs qui s'étonnent de la comparaison avec Lara Croft se rappelleront peut-être que ce personnage devait au départ être un homme dans le jeu vidéo Tomb Raider, et très inspiré d'Indiana Jones d'ailleurs ; c'est seulement après que les développeurs se soient rendus compte qu' »à voir le cul d'un personnage pendant des heures de jeu, autant que ce soit celui d'une fille » – je cite de mémoire – qu'ils ont décidé de le remplacer par une femme.