Actrice, scénariste et réalisatrice de renom, Julie Delpy signe avec Les Barbares une comédie populaire, mais aussi dramatique et engagée, sur la difficulté du Vivre Ensemble, lorsque débarque, dans le petit village de Paimpont en Bretagne profonde, une famille de réfugiés Syriens.
Le thème du film rappelle celui de the Old Oak de Ken Loach, qui accueille des syriens dans le marasme économique, sur fond de chômage, au nord de l'Angleterre, mais la réalisatrice nous plonge ici dans un contexte "gaulois" très différent, sur le ton beaucoup plus léger de la comédie, art cinématographique pas forcément facile en France comme on sait...
Malgré quelques clichés et facilités dont elle aurait pu se passer (le maire patron d'une scierie (!), le flic Johnny qui chante trop longuement et mal du... Johnny, les inévitables identitaires bretons bien inutiles, etc...), le pari de Julie Delpy est plutôt réussi, le rire est bien au rendez-vous mais aussi quelques scènes originales et émouvantes sur le sort de ces réfugiés.
Malgré une bande annonce peu "vendeuse" et faisant craindre une nième comédie lourdingue et franchouillarde, faites confiance à Julie et osez pousser la porte de la salle obscure pour un bon moment de détente ! Dommage qu'elle se sente tellement investie dans son projet qu'elle s'octroie le rôle principal de la professeure des Ecoles qui fait la leçon et s'occupe de tout pour organiser la venue des immigrés, et inévitablement en fait trop.
Mais peu après le début de la guerre contre l'Ukraine, quand on s'attend à recevoir des Ukrainiens, au fond proches de nous, et que le maire un peu débordé par ses administrés est obligé d'annoncer la venue de Syriens c'est une tout autre histoire !
Film organisé habilement en cinq actes, comme une pièce de théâtre à ciel ouvert, confinant au vaudeville, les Barbares offre un scénario dynamique ponctué de joutes et de confrontations drôles et grinçantes entre réfugiés et autochtones.
C'est l'occasion pour la réalisatrice de révéler avec cynisme et au papier de verre bien rugueux les travers de notre société française raciste par peur des différences (qu'elle teste auprès des enfants de sa classe, c'est édifiant et bien vu !), nos égoïsmes, jalousies, mesquineries, misogynies, petits arrangements et autres comportements étriqués de repli sur soi par ignorance de son prochain; heureusement la générosité et la reconnaissance s'en mêlent aussi ! Pas franchement reluisant car nous sommes au fond tous concernés, et sans y voir aucune connotation politique, même si la lourdeur et l'indécision de l'administration locale ne manque pas d'être égratignées !
Mais au-delà, le plus réussi du film est la façon dont est considérée et dépeinte avec profondeur la famille Syrienne avec ses souffrances passées et ses difficultés d'intégration dans un pareil paysage, et variant selon les individus qui la compose : Julie Delpy sait leur donner l'épaisseur humaine qu'ils méritent et nous faire ressentir avec eux de vraies émotions, c'est bien sûr voulu par la réalisatrice et sa vraie intention dans le film, cela se ressent dans une belle fin plutôt inattendue !
Côté casting, le film fourmille de profils intéressants, drôles et baroques, certains habitués à jouer dans ses réalisations; citons les renommés Sandrine Kiberlain (simple, vraie et humaine dans son rôle de commerçante) et Laurent Lafitte (qui campe avec brio ce plombier détestable et misogyne, prêt à tous les coups tordus pour chasser ces étrangers, un rôle extrême bien sûr caricatural).
Une comédie populaire sur fond de drames humains qui se laisse au fond bien regarder, même si tout est loin d'être parfait.
Le spectateur pourra finalement se demander qui sont les (vrais) Barbares !