(warning: mode vieux con "on":) La hantise du plan fixe

Le fait que ce sud des bêtes sauvages ait obtenu une caméra d'or à Cannes n'est pas anodin. Ça fait quelques années que pour faire moderne, on secoue le cadre dans tous les sens. On sait, bien entendu, d'où vient cette déplorable habitude. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, le found footage a définitivement marqué les esprits. Ça fait vrai. Ça dramatise. Ça s'éloigne du côté écrit, composé du cinéma traditionnel. Ça confère à la réalisation une forme d'urgence qui inscrit le propos dans une illusion de réel.

La systématisation du procédé interroge, au delà de la nausée qu'il pourra déclencher chez les plus âgés d'entre nous. Pourquoi un cadre tremblant lors d'une scène parfaitement inerte comme un gros plan sur un visage pendant un moment calme ? Quelle crainte chez un réalisateur, dans un plan fixe, autre que de perdre l'attention de plus jeune de son public ? Est-ce que l'aspect tremblotant est utile pour dissimuler l'approximation d'un cadrage ou la facilité d'une composition ?

C'est -entre autre- à toutes ces questions que l'on est confronté en regardant cet essai ambitieux et atypique de Benh Zeitlin. La forme est-elle un cache-misère du fond ? Un jeune réalisateur reconnu pour son talent et ses idées ne montre-t-il pas ses limites en utilisant un style si paresseux (puisque tant à la mode) ?

Au delà de ces considérations techniques, "les bêtes…" ne manque pas de vertus. L'âpreté des rapports père-fille, le refus du côté larmoyant, l'originalité du récit, font mouche. On imagine les conditions de tournage éprouvantes. La dénonciation du mode de vie des occidentaux et de son aspect néfaste sur l'environnement n'est pas appuyé. Les bébêtes, d'abord simples cochons affublés de cornes un peu ridicules se révèlent finalement étonnants.

Le personnage de Hushpuppy, superbement interprété par Quvenzhané Wallis (et on sait à quel point ce genre de performance, de la part d'un enfant, est à la fois délicate et rare) est finalement à l'image du film: un mélange d'émerveillement et de doutes légitimes. Dans le dernier plan, une réalisation très pubarde nous laisse entendre en voix off les considérations philosophiques d'une gamine (certes doté d'une forte personnalité) de 5 ans sur la vie et le monde.

Mouais.
guyness

Écrit par

Critique lue 832 fois

21
6

D'autres avis sur Les Bêtes du Sud sauvage

Les Bêtes du Sud sauvage
Kenshin
8

No crying

Excusez mes faiblesses, ce sont elle qui font qu'un film me touche. Non ce n'est pas forcement sale. J'étais aller voir Tabou et derrière moi y'avait un groupe de gens qui avait l'air de trop en...

le 28 janv. 2013

45 j'aime

5

Les Bêtes du Sud sauvage
Marvelll
9

« Once there was a Hushpuppy, and she lived with her daddy in the Bathtub. »

Film aux multiples récompenses (huit pour être précis dont notamment la Caméra d’Or à Cannes, le Grand Prix de Deauville, le Grand Prix du Jury de Sundance, le Prix Sutherland du meilleur premier...

le 20 nov. 2012

36 j'aime

1

Les Bêtes du Sud sauvage
MonsieurMit
4

Approchez approchez ! Le nouveau cirque Des bêtes du sud sauvage est arrivé en ville !

Approchez approchez ! Le nouveau cirque Des bêtes du sud sauvage est arrivé en ville ! Venez y vivre l'histoire fabuleuse et onirique d'une petite enfant noire trop mignonne dans le bayou ...

le 7 janv. 2013

33 j'aime

15

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

343 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

318 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

299 j'aime

141