Ce film, porté par un bébé balloté de bras en bras, est un comble de bonne humeur mais en même temps tisse une toile de fond réellement dramatique, qui lui donne une allure d'étrange tragédie. Tragique, le sort de cette jeune mère, sans doute, on le devine, abandonnée depuis l'enfance ; tragique, le destin du personnage principal (Sang-Yeon), "courtier" (c'est le vrai titre du film, la traduction française étant quelque peu trompeuse quoique justifiée par un joli moment du film) à la manque, sous la menace permanente d'une mafia locale, et d'une puissance paternelle évidente mais toujours contrariée ; tragique enfin le destin du couple qui se dessine dans le film, mais dont on ne sait s'il sera vraiment réuni à la fin.
Le cinéma de Kore-Eda, d'habitude si rigoureux, nous promène ici dans un montage un peu foutraque, où, surtout vers la fin du film, les saynètes se succèdent sans qu'on sache bien si c'est la dernière ou pas, toutes bien faites, mais souffrant d'être enfilées comme des perles d'un collier un peu trop long... et où parfois le pathos prend le pas sur la narration.
J'aime retenir malgré tout un moment de pur cinéma, lorsque deux jeunes, amoureux l'un de l'autre, se parlent enfin, le garçon cachant de son bras le regard de son aimée, comme pour la protéger d'elle-même et, pour une fois, couper court à son cynisme. Ce bras élégant coupant l'écran et masquant les yeux de la fille est, incontestablement, le sommet du film.