“J’aimerais pouvoir tout recommencer comme ça”
Y a-t-il encore de l’espoir pour des êtres fondamentalement bons, aimant et généreux - survivant malgré eux dans l’illégalité - de jouir de leur amour en paix, dans une société où l’on détermine les individus, uniquement par le respect ou non des règlements, sans jamais regarder un peu plus loin derrière, vers ce qui les a amené où ils sont ?
Dans son film, Hirokazu Kore-Eda prend le parti d’aller dans le fantasme de ce qu’il voudrait que soit le rôle de la police. Il fera évoluer une police, représentée par deux femmes, n’ayant comme but initial uniquement d’arrêter la famille, mais changera du tout au tout, au fur de l’avancé du métrage. En effet, cette dernière sera amenée à écouter, plus que surveiller ; à prendre le temps de comprendre ses sujets, plutôt que de juger impartialement et rapidement ses suspects ; enfin, à les servir, plus que de les asservir, en les aidant à se réconcilier avec la justice.
De plus, c’est elle qui, indirectement et inconsciemment, déclenchera la mise en marche de l’histoire, en déposant l’enfant dans la boîte à bébé, ayant été initialement placée sur le sol par sa mère, pour de tristes raisons que l’on apprendra plus tard. Ce sera cet acte qui permettra aux passeurs de récupérer l’enfant, rejoints ensuite par sa mère, puis par le petit footballeur, formant à eux cinq, une véritable famille. C’est la police aussi qui fermera le film en s’occupant de Woo-Sung, jusqu’à ce que sa mère sorte de prison.
Elle est le reflet du spectateur, témoin de cette aventure, faisant face - parfois avec consternation - aux actions, puis points de vue de chacun, finissant par les accepter, en les comprenant. Mais surtout, elle initie les relations entre les personnages, ce qui les révèle. Elle laisse la beauté venir à elle, en témoigne la scène de la fleur collée contre la vitre de la voiture (1:09:33) et participe à la clôture de cette aventure du mieux qu’elle le peut pour cette nouvelle famille, méritant de prospérer en paix. Elle agit comme le spectateur agirait, en décalage avec sa fonction, si la volonté du film était de représenter la réalité du métier de policier.
Je disserte depuis quelques lignes sur le rôle de la police dans le film, puisque l’ayant vu en point faible du film dans beaucoup d’autres critiques, accompagné par la fin, peu claire et brutale, j’ai voulu alors partager mon point du vu. La place qu’elle prend, dans ma critique, est en antithèse avec celle qu’elle prend dans le film, ne servant qu’à mettre en avant (tout comme les autres trames d’ailleurs) les cinq personnages. Malgré cela, sa présence est parfois de trop, surtout au début du film, où l’on ne comprend pas encore que la police n’est pas à prendre au premier degré, dans cet univers à priori, réaliste et brut. Certaines scènes des trames secondaires sont également dispensables et ces trames manquent souvent de clarté et de cohérence, bien qu’elles possèdent quelques bonnes idées de mise en scène (0:46:00 : la scène de la veuve, utilisant le doigt de son défaut, pour mettre la main sur la vérité.
Du côté de la fin, bien qu’elle aurait pu être moins confuse, sa vitesse de l’explication finale possède également un sens pour moi. Je pense que la fin se suffit à elle-même. Savoir la famille étant en plus ou moins bonne condition est l’essentiel. Le fait que les personnages se protègent l’un envers l’autre est mis en scène (1:59:31 : la scène où Sang-Hyun, regardant les nouvelles, est caché par un homme faisant penser à Dong-Soo, s’étant livré à la police pendant que Sang-Hyun s’occupait de l’homme aux 4 M de ₩). La rapidité de l’explication de la situation finale, contrastée par le long plan de fin (avec la photo des cinq compères) nous montre très clairement quel était le véritable objet du film.
Un road-trip rempli de bons sentiments, avec lequel on voyage et se sent léger, malgré la lourdeur de la thématique principale. Un conte moderne, rempli de personnages à l’âme généreuse, joué par ses acteurs avec justesse et élégance. Avec ses quelques ingénieuses idées de mise en scène, Les Bonnes Etoiles nous laisse de beaux souvenirs en tête.
Ma séquence préférée serait celle de la grande roue, symbolisant l’aspect agréablement cyclique du road-trip. Il y a dans cette scène tout ce qui fait l’essence de ce véritable feel-good movie, chacun apporte à l’autre le réconfort qu’il a besoin, dans la plus belle authenticité. Sang-Hyun aime prendre soin de Hae-Jin, ce qu’il ne peut plus faire avec sa propre fille. Dong-Soo soulage ses maux relatifs à son abandon, étant enfant, grâce à la présence de Su-Jin. Cette dernière obtient une protection en Dong-Soo (faisant écho à la scène du parapluie), ainsi que du soutien rempli de compassion pour affronter ses actes passés qui la tourmentent. La roue étant également métaphorique dans leur échange : (Su-Jin, juste après qu’elle lui révèle son passé, Dong-Soo lui cachant les yeux avec sa main)
"Ça secoue un peu, non ?” “Ce n’est rien, c’est parce que nous sommes tout en haut” “J’ai peur, car je n’arrive à rien voir. Étrangement…”