Pour un film de propagande, peut-être bien que j'en attendais trop de la part de Fritz Lang, peut-être attendais-je LE film coup de poing, avant-gardiste, dans la même veine que M le maudit. En l'état, si ce Les bourreaux meurent aussi (ou Hangmen Also Die) s'avère loin d'être mauvais, force est de constater qu'il donne l'impression de partir dans toutes les directions avec son scénario, que le rythme bégaie… impression confortée quand on apprend que la collaboration entre les trois scénaristes, à savoir Fritz Lang, Bertolt Brecht (à l'origine non crédité au générique) et John Wexley, ne s'est pas effectuée sans heurts.
Curieux de retrouver un bonhomme tel que Brecht à l'écriture d'ailleurs, le scénario a beau venir avant tout de lui, Les Bourreaux meurent aussi est le seul film qu'il ait écrit pour Hollywood : l'auteur étant vite retourné faire ce qu'il savait faire de mieux, en allemand de surcroit. Pas de chance, ce film est réputé pour être celui qui mit fin à l'amitié entre lui et le réalisateur.
Quant à Fritz Lang, ce n'est pas avec Hangmen Also Die qu'on retrouve le plus sa patte… curieusement, il avait tendance à le citer comme l'un de ses meilleurs. On retrouve certes le questionnement autour du fait d'être coupable, de mentir, mais ces interrogations interviennent en fin de récit. En fait, le film est surtout empreint d'une certaine légèreté que je n'ai retrouvé (partiellement) que dans Casier judiciaire. Pas de pathos, les méchants sont très vite tournés en ridicule, l'humour vient se mélange à un ton très sérieux, apportant une certaine ironie au long-métrage : d'un certain point de vue, c'est du Costa-Gravas avant l'heure. Et puis… ok ça ne concerne que moi, mais le méchant (Alexander Granach) m'a beaucoup fait penser à Eggman, difficile de le prendre au sérieux après ça. Reste tout de même à souligner la scène de la chambre, au deux tiers du récit, probablement la plus intense du lot.
Enfin, toujours au scénario, reste à noter la présence de John Wexley, crédité comme le scénariste officiel de ce Hangmen Also Die. La manière (positive) dont est dépeinte la foule provient assurément de lui, cette composition heurtant de plein fouet la vision (négative) qu'a Fritz Lang de cette dernière (Metropolis, M le maudit, Furie, etc.). Quoique le fait de voir dans Les Bourreaux meurent aussi une sorte de Furie ou de M le maudit inversé n'est pas si inintéressant que ça. Certes, Reinhard Heydrich est tué par une seule personne dans ce film, alors présenté comme un héros, mais c'est l'entièreté du peuple Tchèque qui, en se mettant tous derrière cet homme, prêts à se sacrifier pour lui, deviennent des héros à leur tour. Effectivement, on est à des années-lumière du pessimisme d'un M le maudit. Malheureusement, l'une des plus grandes qualités de John Wexley, à savoir le fait d'être communiste, se transformera en défaut quelques années plus tard à cause de la commission McCarthy et c'est justement aussi parce qu'il n'y a pas de véritable héros dans le film que le film sera perçu comme de la propagande communiste par cette même commission.
Finalement, bon nombre de défauts du film sont excusables ou tout du moins explicables. Le long a beau être un film de propagande (le deuxième des quatre films que Lang réalisera), on a vu les nazis présentés bien plus négativement depuis, notamment chez un Tarantino qui place ce film parmi ses nombreuses références. Paradoxalement, le ton était trop osé pour la censure de l'époque, et il me semble important de rappeler le rôle de l'antisémite revendiqué, Joseph I. Breen, dans la censure des films de cette période : l'abject ayant eu du poids entre 1934 et 1954 en tant que dirigeant de la Production Code Administration.
Toujours concernant les défauts excusables/explicables, le fait que Les bourreaux meurent aussi ne soit pas raccord avec la réalité ne pose absolument aucun problème : le but du long étant de faire passer un message optimiste en des temps difficiles, de vanter le rôle du collectif, et non de relater des faits. Pour info (ou rappel), Reinhard Heydrich sera assassiné des suites de l'opération Anthropoid, une opération partiellement réussie, puisqu'à défaut de tuer Heydrich sur le coup, ce dernier décèdera une semaine après l'attentant, dès suite d'une septicémie. En représailles, les nazis rayeront de la carte un village tout entier et plusieurs milliers de Tchèques seront assassinés.
Malgré les nombreuses critiques que je pourrais faire sur le film, vu le climat actuel, je crois qu'on ferait bien de remettre en avant Les bourreaux meurent aussi, pour son message optimiste et incitant à l'union dans un premier temps, mais aussi pour sa toute fin, tautologique certes, mais qu'il me semble nécessaire de rappeler : « NOT The End »